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Photographie narrative

« ZZYZX » de Gregory Halpern : le futur de la photographie américaine

En 2016, Gregory Halpern publie le livre ZZYZX, dans lequel Los Angeles est vue comme une ville post-apocalyptique, magique et pleine de contradictions. Il m’a mis une telle claque que j’ai décidé de le décrypter pour vous.

Temps de lecture : 22 min

Introduction

Parmi les valeurs auxquelles je crois, celle que je place au-dessus de tout est l’auto-détermination. C’est le fait de choisir librement sa conduite et ses opinions, hors de toute pression extérieure.

Par conséquent, respecter des règles qui me paraissent absurdes m’a toujours été insupportable. Dans la vie. Mais aussi en photographie. J’ai rapidement abandonné tous ces principes tombés du ciel comme la règle des tiers.

Enfin, je le croyais.

Dans la rue, j’ouvre instinctivement le diaphragme de mon appareil à f/8. C’est un réglage classique que beaucoup de photographes de rue adoptent pour :

  • avoir une grande profondeur de champ
  • ne plus penser au paramétrage de son appareil
  • se focaliser uniquement sur la prise de vue

Avec cette approche, il est possible de créer une image complexe, avec un premier, un second et un arrière-plan.

Cette photo que j’ai prise à Hanoï en est un bel exemple.

© Antoine Zabajewski – Jour de pluie – Hanoï, Vietnam – 2019

Derrière cette démarche, il y a la volonté d’organiser le chaos du monde à l’intérieur d’un cadre unique. Mais peut-on réduire toute la complexité du monde à une seule photo ?

Dans les années 1960, John Szarkowski concevait que le langage photographique avait le plus de potentiel à travers l’image isolée.

D’autres théoriciens, comme Nathan Lyons, ont mis en avant les possibilités d’association entre les photos afin de construire des récits visuels au-delà de l’image isolée.

Gregory Halpern conçoit ses livres photo de cette manière afin de créer un nouveau sens aux images originales et enrichir leurs possibilités narratives.

Il n’est pas le premier à exploiter ce potentiel, d’autres avant lui l’ont fait, comme Robert Frank ou Alec Soth (allez lire mon article). Or, ce qui surprend avec le travail d’Halpern, c’est qu’il semble ajouter quelque chose de différent.

C’est l’objet de cet article dans lequel j’analyserai son livre ZZYZX (partie I) puis j’aborderai les influences qui ont forgé sa vision (partie II).

© Gregory Halpern – Autoportrait

Le livre ZZYZX d’Halpern : analyse d’un chef-d’œuvre

Gregory Halpern vit à Rochester, une ville un peu terne à 5 heures de route de New-York, lorsqu’en 2008, il commence un nouveau projet sur Los Angeles.

Il évoque ses premières images faites en Californie :

« Au début, je m’inspirais simplement de la lumière, des couleurs, des extrêmes. C’était une sensation de fièvre par rapport à l’ouest de New York, privé de soleil et économiquement déprimé, où j’ai grandi et je vis toujours. »

Interview pour fotoroom : Gregory Halpern On His Los Angeles Photos Published in New, Beautiful Photobook ‘ZZYZX’

Huit ans plus tard, le projet aboutit à un livre, intitulé ZZYZX (prononcez zi-zix).

Vous pouvez le découvrir ici :

Un titre et une couverture énigmatique

La signification de ZZYZX

Le titre du livre vient d’un endroit accolé au désert de Mojave, dans la région de Los Angeles.

Dans les années 1940, un type du nom de Curtis Howe Springer a l’idée de profiter de la source d’eau naturelle du coin et commence à squatter le terrain. Il construit un complexe où il propose aux touristes des bouteilles d’eau, des produits de santé et même un spa.

Un peu barré, Springer appelle l’endroit ZZYZX car selon lui, c’est le dernier mot qui peut être orthographié dans la langue anglaise.

Il exploite la source jusqu’en 1974, date à laquelle il est expulsé. Les terres sont récupérées par le gouvernement.

Cette histoire résonne avec celle de la Californie, le sentiment que c’est la fin d’un rêve, comme le souligne Halpern :

« Vous arrivez en Californie et vous ne pouvez pas aller plus loin. Vous êtes confronté à vous-même et à votre vie, mais dans un cadre plus beau. »

Article du Guardian : Gregory Halpern’s ZZYZX – California dreamin’ in the 21st century

Il choisit aussi le titre ZZYZX pour son livre car « le mot a un aspect dystopique et futuriste. »

C’est vrai que, sans connaître l’histoire de Springer, le mot sonne comme le nom d’un lieu secret que le gouvernement américain cacherait à la population.

© Gregory Halpern – ZZYZX

Le secret de la couverture

Composée de pois blancs et noirs, la couverture m’a beaucoup intrigué quand j’ai reçu le livre. C’était sans doute l’objectif d’Halpern et de son éditeur Michael Mack quand ils l’ont conçue.

Couverture de ZZYZX

C’est seulement après avoir parcouru le bouquin une bonne dizaine de fois que j’ai découvert son origine. Le motif apparait sur une des photos.

© Gregory Halpern – ZZYZX

Voyons maintenant ce que le bouquin a dans le ventre.

Pour ceux qui veulent se plonger dans l’ambiance du livre, j’ai créé une petite playlist sur Spotify.

Los Angeles post-apocalyptique

Le livre s’ouvre sur une main tatouée de sept étoiles qui semble tenter de bloquer un soleil éblouissant.

© Gregory Halpern – ZZYZX

Outre la référence au drapeau américain, Halpern pense à l’Apocalypse, le dernier livre du Nouveau Testament de la Bible :

« Il avait dans sa main droite sept étoiles. De sa bouche sortait une épée aiguë, à deux tranchants ; et son visage était comme le soleil lorsqu’il brille dans sa force. »

Apocalypse 1.16, Nouveau Testament, la Bible

En s’approchant de la photo, une callosité est visible sur le pouce et de la saleté dans les ongles. S’agit-il d’un homme vivant dans la rue ? Ou du Messie ?

Halpern est diplômé en littérature. Bien qu’il ne se considère pas religieux, il a lu la Bible comme une œuvre littéraire. 

Il explique :

« C’est un texte que j’ai adoré. C’est une forme d’histoire tellement étrange : folle, apocalyptique, de science-fiction. »

Interview de Gregory Halpern par le journaliste Luca Fiore

Une catastrophe a ravagé le monde

L’image suivante nous amène dans un paysage dévasté par un incendie.

© Gregory Halpern – ZZYZX

C’est l’un des fléaux qui touche Los Angeles. Et c’est également l’une des conséquences catastrophiques du changement climatique.

L’image d’après montre un arbre de Josué, noirci par un feu de forêt.

© Gregory Halpern – ZZYZX

Coincé entre terre et ciel, ses feuilles dorées et épineuses sont les dernières traces de vie.

Le nom d’arbre de Josué a été donné par un groupe de mormons qui traversait le désert de Mojave au milieu du XIXème siècle. La forme unique de l’arbre leur fit penser au personnage biblique Josué, montrant, bras tendus, la Terre promise.

Il a la particularité de ne pousser que dans une seule région sur Terre : le désert de Mojave près de Los Angeles. D’après une étude rapportée par Géo, l’espèce est aujourd’hui menacée et pourrait même disparaître avant la fin du siècle. En cause : le changement climatique.

La photo suivante est le portrait d’un homme qui tient une petite bille en métal dans son orbite, reflétant légèrement le paysage qui l’entoure.

© Gregory Halpern – ZZYZX

Il présente toute les caractéristiques physiques du type qui tente de survivre depuis un certain temps : torse nu, musclé, cheveux longs, barbe de plusieurs mois, peau hâlée.

Halpern dévoile un Los Angeles futuriste où une catastrophe semble avoir détruit la civilisation :

« En Californie, il y a un élément de terreur qui vous fait sentir que l’endroit pourrait être au bord de l’extinction. C’est là dans la ville mais aussi dans la nature. La menace constante d’incendie et le manque d’eau qui en résulte est un autre exemple du caractère extrême du lieu. »

Article du Guardian : Gregory Halpern’s ZZYZX – California dreamin’ in the 21st century

Halpern nous plonge dans un univers à la Mad Max : Fury Road. Dans ce film, après une attaque nucléaire, le monde s’affronte dans des déserts sans fin pour obtenir de l’essence et de l’eau.

Extrait de Mad Max : Fury Road de George Miller (2015)

Le sujet est souvent abordé en littérature et au cinéma. C’est le genre de la science-fiction post-apocalyptique. Ou post-apo (pour ceux qui portent des t-shirts de Star Trek et une queue de cheval.)

Les codes du genre

Ce type d’œuvre dépeint la vie après la catastrophe. Elle se distingue des fictions de catastrophe qui mettent en scène le cataclysme lui-même.

Deux critères essentiels se retrouvent :

1/ La majeure partie de l’humanité a disparu

Dans le livre ZZYZX, quand on croise un être humain, il est souvent seul et isolé.

© Gregory Halpern – ZZYZX

On se croirait au début de la série The Walking Dead dans laquelle un adjoint de shérif se réveille d’un coma de plusieurs semaines. Il découvre que la population a été ravagée par une épidémie inconnue, qui transforme les êtres humains en morts-vivants.

Extrait de la série Walking Dead
2/ Les survivants vivent dans les vestiges de l’ancienne civilisation

Los Angeles est une ville où en temps normal, tout le monde se déplace en voiture. Dans ZZYZX, les gens marchent dans des rues désertes. Comme ici où deux personnes tirent des chariots avec à l’intérieur, ce qui semble être les effets personnels de leur vie d’avant.

© Gregory Halpern – ZZYZX

Comme dans le film La Route. Des années après qu’un cataclysme a tout ravagé, un homme et son fils suivent une route vers la mer et tentent de survivre.

Extrait du film La Route de John Hillcoat (2009)

Pourquoi Halpern crée un Los Angeles post-apocalyptique (selon moi)

Au-delà de l’esthétique, la plupart des œuvres post-apocalyptiques se servent de ce décor pour amener une réflexion sur la place de l’Homme par rapport à ses semblables et à la société :

  • Mad Max : L’Homme est responsable des pics de pollution, de l’utilisation excessive de ressources non renouvelables, du changement climatique. La société capitaliste peut-elle changer ?
  • The Walking Dead : Quand il n’y a plus de lois, l’Homme révèle sa vraie nature. L’Homme est-il bon et enclin à s’entraider ? Ou est-il égoïste et doit être gouverné par la peur pour contraindre sa volonté de domination qu’il assimile à sa survie ?
  • La Route : Qu’est-ce que l’Homme peut encore espérer quand il est dépouillé de tout ?

Halpern se sert de Los Angeles comme matériau à partir duquel il crée une oeuvre de fiction. Mais, à demi-mot, il nous questionne sur le changement climatique, un sujet brûlant en Californie (lol).

En adoptant les codes de la science-fiction post-apocalyptique, Halpern dépeint un futur tristement réaliste. Pourtant, au fil des pages, la magie s’immisce dans la banalité du quotidien.

© Gregory Halpern – ZZYZX

Los Angeles magique

Halpern est sensible au concept de réalisme magique que l’on retrouve en peinture, en littérature et au cinéma.

D’après la définition de Wikipédia, l’idée est que l’imaginaire fait partie de la réalité et que la frontière entre les deux doit être abolie. Dans un environnement défini comme « réaliste », surgissent des éléments « magiques », « surnaturels » et « irrationnels » qui vont de soi.

Un exemple qui m’a beaucoup marqué au cinéma, Le Labyrinthe de Pan de Guillermo Del Toro sorti en 2006. (Que je conseille vivement).

L’histoire se déroule peu après la guerre d’Espagne au début des années 1940. Carmen s’installe avec sa fille Ofélia chez son nouvel époux, le très autoritaire Vidal, capitaine de l’armée franquiste.

Ofélia et Vidal dans le labyrinthe de Pan

Alors que la jeune fille se fait difficilement à sa nouvelle vie, elle découvre un mystérieux labyrinthe près de la grande maison familiale. Le gardien des lieux Pan va lui révéler qu’elle est la princesse disparue d’un royaume enchanté.

Pan et Ofélia dans le labyrinthe de Pan

À mesure que le film avance, on s’interroge de plus en plus sur la réalité de ce monde féerique. Existe-t-il vraiment ou seulement dans l’imagination d’Ofélia ?

Dans ZZYZX, un gratte-ciel qui abrite les bureaux du cabinet d’audit Deloitte à Los Angeles, étincelle et semble venir d’une autre monde.

© Gregory Halpern – ZZYZX

Le dérèglement de tous les sens

Cette formule de Rimbaud décrit parfaitement l’univers que décrit Halpern, perçu par les sens et non par le raisonnement ou la déduction.

Dans ZZYZX, on ressent la sensation physique d’être dans un lieu extrême comme la Californie.

Sur cette image, une lumière violente brouille notre vue.

© Gregory Halpern – ZZYZX

Sur celle-ci, on a la sensation de l’eau fraîche sur le visage.

© Gregory Halpern – ZZYZX

Des lieux inaccessibles

Les endroits et les gens semblent hors de portée, bloqués par une barrière comme dans les deux images suivantes.

© Gregory Halpern – ZZYZX
© Gregory Halpern – ZZYZX

Ou ici par des chaises et des branchages.

© Gregory Halpern – ZZYZX

Des escaliers menant nulle part

L’escalier est une figure récurrente dans ZZYZX comme dans ces deux images symétriques qui se trouvent respectivement au tiers et aux deux tiers de l’ouvrage.

© Gregory Halpern – ZZYZX
© Gregory Halpern – ZZYZX

C’est un rêve. Dans lequel les gens que l’on croise naviguent entre visible et invisible.

Des personnages aux contours incertains

Halpern capte des portraits teintés de symbolisme, comme cet homme de dos, avec une chevelure blanche aux airs surréalistes.

© Gregory Halpern – ZZYZX

L’incertitude transparait dans le regard confus de cette femme, aux yeux mi-clos.

© Gregory Halpern – ZZYZX

De lourdes ombres occultent parfois une partie des visages.

© Gregory Halpern – ZZYZX

On s’approche carrément du mysticisme avec ce visage masqué auréolé d’une couronne. Est-ce un homme ou une divinité ?

© Gregory Halpern – ZZYZX

Les visages que l’on distingue avec certitude ne sont pas ceux d’êtres humains. Comme cette bâche bleue flottant contre une clôture grillagée. Quatre trous déchiquetés tracent le contour fantomatique d’un visage.

© Gregory Halpern – ZZYZX

Le dessin d’un visage, de face et au regard net, finit d’ajouter de la confusion entre vivant et inanimé.

© Gregory Halpern – ZZYZX

Tout n’est pas que chaos dans le monde d’Halpern.

Des portraits plein de tendresse

Des portraits colorées et plein de vie apportent une note d’espoir et contrebalancent la noirceur du livre.

© Gregory Halpern – ZZYZX
© Gregory Halpern – ZZYZX
© Gregory Halpern – ZZYZX

La métaphore animale

Les animaux, très présents tout au long de l’ouvrage, contribuent à la cohérence de l’ensemble. Ceux sélectionnés par Halpern ont une forte charge symbolique, souvent positive, comme ce cheval blanc.

© Gregory Halpern – ZZYZX

Un symbole parmi d’autres, dans le passé biblique, l’un des quatre cavaliers de l’Apocalypse, la Pestilence, monte un cheval blanc.

Un autre exemple avec ce pigeon blanc aux airs de colombe, symbole d’amour et de paix dans la culture.

© Gregory Halpern – ZZYZX

Ou ce merle noir esseulé qui, contrairement aux autres animaux noirs, n’est généralement pas perçu comme un symbole de malheur.

© Gregory Halpern – ZZYZX

Pourquoi Halpern crée un Los Angeles entre réalisme et magie (selon moi)

Halpern se sert du réalisme magique pour brouiller la frontière entre fiction et réalité, un dilemme que le médium photographique a depuis ses débuts.

Par ailleurs, comme l’humour, il constitue une réponse poétique à l’oppression et au malheur que subissent certaines personnes.

C’est le cas du film Le Labyrinthe de Pan, très connoté politiquement. Il oppose le monde réaliste et violent de l’Espagne franquiste et celui d’Ofélia, magique et poétique.

Dans ZZYZX, toutes les personnes en marge de la société que l’on croise interrogent sur le sans-abrisme à Los Angeles. La ville détient d’ailleurs le record national du plus grand nombre de SDF. Halpern évoque le sujet sans que ce soit ressenti comme un pamphlet politique.

© Gregory Halpern – ZZYZX

ZZYZX ne serait pas aussi grandiose sans son montage exceptionnel.

Je ne suis pas le seul à le penser. Shannon Ghannam, directrice de l’éducation chez Magnum, affirme que :

« Le travail de Gregory Halpern, en particulier son livre magnifiquement réalisé ZZYZX, représente l’une des visions photographiques les plus claires de ces derniers temps.

Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai suggéré à un étudiant aux prises avec un problème de regarder son travail, car à chaque page, il y a tellement à apprendre sur la narration visuelle. »

Article sur Magnum : Tips for Emerging Photographers

Structure et séquence

La structure

En littérature ou au cinéma, la structure narrative désigne le chemin suivi par une histoire. Il s’agit de la colonne vertébrale du récit avec un début, un milieu et une fin clairement identifiés.

Voici de manière schématique celle suivie dans la plupart des films hollywoodiens :

Notion de dramaturgie par faire-un-film.fr

Mais Halpern ne raconte pas réellement une histoire parce que la photographie est moins apte à le faire que le cinéma ou la littérature.

En parcourant le livre, on assiste à une traversée partant du désert californien à l’Est, jusqu’à l’océan Pacifique à l’Ouest, en passant par la ville de Los Angeles.

Le voyage vers l’Ouest constitue une métaphore de l’Histoire des Etats-Unis.

  • Désert (début du livre) :
© Gregory Halpern – ZZYZX
  • Ville (milieu du livre) :
© Gregory Halpern – ZZYZX
  • Océan (fin du livre) :
© Gregory Halpern – ZZYZX

La séquence

Il s’agit de la façon dont les images sont agencées pour que la série transmette ce qu’elle est censée transmettre. Et ce, le plus clairement possible. Raconter une histoire, faire passer un sentiment ou développer une idée, par exemple.

Halpern utilise différents types de connexions entre les images :

Connexion métaphorique
  • Un homme à qui il manque des dents et un pare-brise cassé :
© Gregory Halpern – ZZYZX (extrait youtube)

En juxtaposant ces deux images, Halpern crée une association directe de forme et de contenu. Il construit une métaphore visuelle qui transforme le sens des images isolées et produit ainsi quelque chose de nouveau et de plus complexe.

  • La bouche grande ouverte d’un sans-abri édenté et un tunnel routier :
© Gregory Halpern – ZZYZX (extrait youtube)
  • Une femme rousse et la fumée d’un feu tout juste éteint :
© Gregory Halpern – ZZYZX (extrait youtube)
  • Du naturel et de l’artificiel avec une formation rocheuse sablonneuse en face d’une cour en béton, toutes deux de la même teinte beige :
© Gregory Halpern – ZZYZX (extrait youtube)

C’est encore plus voyant dans la dernière double-page mais à chaque fois, les images ont une cohérence en termes de couleurs.

Connexion temporelle

La séquence d’une même maison, détruite à gauche et intacte à droite :

© Gregory Halpern – ZZYZX (extrait youtube)

Ce procédé, qui ressemble au flashback utilisé dans le cinéma, permet à Halpern de générer à la fois du rythme et un sentiment d’instabilité.

Connexion spatiale

Une séquence montre l’arrière de la tête d’un homme puis son visage.

© Gregory Halpern – ZZYZX (extrait youtube)
© Gregory Halpern – ZZYZX (extrait youtube)

Ce procédé permet à Halpern de :

  • Créer une sensation de mouvement tridimensionnel, comme une caméra qui tournerait autour d’un personnage de cinéma.
  • Montrer l’ambiguïté (féminin/masculin) ou du moins la complexité de l’homme.
  • Nous surprendre.

Les deux photos sont entrecoupés de deux pages vierges, un dispositif qu’Halpern utilise constamment pour créer du rythme dans ses livres. Comme les silences en musique.

Changement de point de vue

Dans la séquence suivante, une femme regarde à travers une petite lunette, et dans l’image suivante, nous voyons un ciel de nuit traversé par un avion.

© Gregory Halpern – ZZYZX (extrait youtube)
© Gregory Halpern – ZZYZX (extrait youtube)
© Gregory Halpern – ZZYZX

Par cette technique, Halpern révèle ce que le personnage voit. Ce changement de point de vue nous transporte à travers le regard du personnage et nous immerge davantage dans le livre.

Conclusion de l’analyse

Wow ! Que dire après tout ça ?

Si ce n’est qu’Halpern ne nous fournit aucune véritable réponse. Il nous questionne en laissant des trous à combler, suggérant des significations que chacun peut prendre plaisir à interpréter de manière créative.

Il accomplit avec brio la difficile tâche de traduire les sentiments qu’il a ressentis à Los Angeles, entre vulnérabilité et agressivité, rédemption et désespoir, tendresse et dureté, beauté et laideur.

Est-ce de la non fiction créative ? Du documentaire poétique ? Du post-documentaire ? Je ne sais pas. Quoi qu’il en soit, avec ces photos sublimes, Halpern navigue de manière géniale entre documentaire et art.

Ce style particulier est l’aboutissement de rencontres qui l’ont influencé tout au long de sa vie.

C’est ce que nous allons voir dans cette seconde partie.

Les 5 influences qui ont façonné le style d’Halpern

Gregory Halpern est né en 1977 à Buffalo. C’est une ville située à l’Ouest de l’État de New York, coincée entre les chutes du Niagara et la frontière canadienne.

Autant vous dire qu’en hiver, ça caille.

Il y vit une enfance éloignée de tout intérêt artistique. La révélation se produit alors qu’il est adolescent.

Milton Rogovin

Une nuit, pendant que toute la famille Halpern dort, ses yeux sont attirés par un bouquin posé sur la table du salon : Tryptychs de Milton Rogovin. Un livre que son père a apporté à la maison quelques jours plus tôt.

Il le saisit, monte se réfugier dans l’intimité de sa chambre, s’assoit confortablement sur son lit et ouvre une page au hasard :

© Milton Rogovin – Aux environs de Buffalo – 1973, 1985 et 1992
© Milton Rogovin – Aux environs de Buffalo – 1973
© Milton Rogovin – Aux environs de Buffalo – 1985
© Milton Rogovin – Aux environs de Buffalo – 1992

Il s’agit du portrait d’un homme et d’une fille, vraisemblablement sa petite-fille. Les 3 photos ont été prises au cours de trois années distinctes : 1973, 1985 et 1992.

Instantanément, Halpern fond en larmes.

Il pense à sa propre mortalité et à celle de ses parents. Il se sent confus, presque honteux que ces photographies d’étrangers puissent autant l’émouvoir.

Le livre fait d’autant plus échos à sa vie que les portraits de Tryptychs ont été pris dans les environs de Buffalo, là où il habite.

L’art a surgi dans sa vie grâce à la photographie sociale de Rogovin.

En 1995, après le lycée, Halpern quitte la ville de son enfance direction Cambridge et la prestigieuse université Harvard. Il y étudie l’histoire et la littérature.

C’est à la fac qu’il commence véritablement à prendre au sérieux la photo.

Harvard Works Because We Do

À Harvard, Halpern devient membre de la fraternité Phœnix. Il n’y a pas réellement d’équivalent en France, mais disons que c’est une sorte de confrérie étudiante où l’on espère être intégré socialement en échange d’un bizutage plus ou moins idiot.

The Social Network

À l’automne 1998, tard dans la nuit, Halpern et ses copains de la fraternité, sont toujours en train de faire la fête. Tous vêtus de smokings, ils boivent et fument des cigares dans leur QG situé au 72 Mt. Auburn Street à Cambridge.

Dans The Social Network de David Fincher (2010), l’ami de Mark Zuckerberg, Eduardo Saverin joué par Andrew Garfield, tente d’intégrer la fameuse fraternité Phœnix.

À 4 heures du matin, Carol-Ann Malatesta commence sa journée de travail. Elle pénètre dans la grande salle de réception où sont agglutinés la plupart des étudiants. Trois heures pour nettoyer la porcherie, ce n’est pas du luxe ! À 7 heures, elle doit repasser chez elle pour amener ses trois enfants à l’école et enchaîner avec son deuxième emploi.

Alors qu’un type boit une bière, les pieds allongés sur une table, Carol-Ann commence à s’approcher pour nettoyer. Au lieu de retirer ses jambes et s’excuser, il les lève pendant une seconde. Saisissant le moment, Carol-Ann essuie rapidement la table sous ses pieds, puis le type repose ses jambes, comme si de rien n’était.

Halpern est marqué par cette scène. Le lendemain, il retrouve Carol-Ann, se présente officiellement parce que, jusque-là, ce n’était que la femme de ménage.

Elle lui raconte l’histoire de sa vie et Halpern est époustouflé.

Un premier projet 100% documentaire

À tel point qu’il décide d’en faire son projet de fin d’études : des photos et des interviews de travailleurs comme elle.

Il rencontre notamment Wilson Saint Claire, un agent d’entretien.

Wilson Saint Claire

« J’avais vingt ans quand j’ai fini la fac. Oui, j’ai fini la fac. Mon responsable venait d’Haïti et avait aussi fait des études supérieures. Alors quand j’ai commencé, quand j’ai saisi un balai, il m’a dit : « N’y pense pas, Wilson, fais-le simplement. »

Mais les directeurs me testent, ils laissent des sous par terre, dans les coins, pour voir si j’ai bien nettoyé. »

Wilson Saint Claire, agent d’entretien

Dans la foulée, Halpern quitte la fraternité Phœnix.

Après des recherches, il se rend compte que la dotation de l’université d’Harvard a triplé entre 1994 et 2001, alors que, dans le même temps, le salaire des emplois subalternes a baissé, jusqu’à 30% pour certains d’entre eux.

Il se politise et intègre le mouvement Living Wage Campaign au sein duquel il tentera de convaincre la direction d’annuler les réductions salariales.

© Gregory Halpern – Négociations salariales

Halpern sort diplômé d’Harvard en 1999. Il partage ensuite ses journées entre un emploi à mi-temps au sein de l’organisation Living Wage Campaign et son projet photo. Il rencontre les travailleurs pendant leur pause déj, autour d’un verre le soir, ou leur rend visite chez eux.

© Gregory Halpern – Amadeo Lopez, avec la chemise d’un collègue, pause déjeuner, 14h18

Le sujet l’obsède.

Après trois ans à exhorter Harvard en vain, Halpern et une cinquantaine de personnes, principalement des étudiants, organisent en mai 2001 un sit-in dans le bureau du président.

Il dure 21 jours. Puis la direction cède. Le salaire horaire minimum passe ainsi de 8 $ à 10,25 $ pour tous les travailleurs précaires d’Harvard.

© Gregory Halpern – Sochea Uel à la plonge

En 2003, à partir de 2000 photographies et des milliers de pages de retranscription d’interviews, il sort un livre, Harvard Works Because We Do dont les photos de ce paragraphe sont extraites.

À la fois documentaire et politique, il est directement influencé par son premier choc adolescent, Tryptychs de Milton Rogovin.

© Gregory Halpern – Wilson Saint Claire, agent d’entretien

Chris Killip

Pendant sa licence à Harvard, Halpern suit les cours du professeur et photographe Chris Killip.

© Ella Murtha – Chris Killip en 1986 à l’âge de 40 ans

Son chef d’oeuvre In Flagrante, publié en 1988, marque au fer rouge le jeune étudiant. Dans ce livre, Killip documente l’impact de la désindustrialisation sur les communautés ouvrières du nord de l’Angleterre dans les années 1970 et 1980. La plupart des photos sont prises à la chambre grand format 4×5 pouces.

Réalité vs récit officiel

L’image d’ouverture est celle d’un homme qui peint une mer déchaînée sous un temps orageux, une représentation en contradiction avec le paysage réel qui l’entoure, une mer plate et un ciel brumeux.

© Chris Killip – Le peintre Len Tabner – Skinningrove, Yorkshire du Nord – 1983

L’image suivante représente un couple, la femme glissant sa main dans la poche du pantalon, vers l’entrejambe de l’homme.

© Chris Killip – Couple – Whitley Bay, Tyneside – 1976

En regardant plus attentivement, le mot « BASTARDS » est taggué sur le mur derrière, en contradiction avec le patriotisme symbolisé par le drapeau du Royaume-Uni.

Pour Halpern, ces deux images sont des moments poétiques qui parlent de la distance entre la réalité et les récits officiels.

Le séquence du livre

Il est aussi marqué par le séquuence du livre. In Flagrante est universellement accepté comme un chef-d’œuvre, non seulement pour ses images, mais aussi pour sa structure.

Dans une séquence, une photographie d’un couple âgé sur la plage, joliment habillé, se trouve à côté d’un détail presque abstrait de débris sur la plage.

Couple, dimanche de Pâques, Askam in Furness, Cumbria , 1982

À première vue, l’image semble déplacée dans le livre. Nous remarquons des pierres, du sable et des coquillages, puis du verre brisé, un os de poulet et un préservatif usagé créant un sentiment contradictoire chez le lecteur.

D’autres photos d’In Flagrante

© Chris Killip – Le groupe de punk Angelic Upstarts au Barbary Coast Club – Sunderland, Angleterre – 1984
© Chris Killip – Jeune sur un mur – Jarrow, Tyneside – 1976
© Chris Killip – Célébration du mariage royal – North Shields, Tyneside – 1981
© Chris Killip – Maison mitoyenne et mine de charbon avec clôture faite de vieilles portes de maison et un enfant regardant par la fenêtre – Castleford, Yorkshire – 1976
© Chris Killip – Middlesbrough, Angleterre – 1976

Chris Killip est mort pendant l’écriture de cet article.

Pour ceux intéressés par qui il était, j’ai trouvé une interview sur Youtube. Il y parle de la capacité d’un photographe à intégrer un milieu fermé, à créer de l’intimité avec des étrangers, de la patience et de la persévérance nécessaires.

C’est à la fois sensible, passionnant et utile.

Si besoin, les sous-titres en anglais peuvent être activés

Larry Sultan

Après Harvard Works Because We Do, Halpern souhaite poursuivre ses études. Sur les conseils de Chris Killip, il intègre en 2003 le master de Larry Sultan au California College of the Arts.

© Kelly Sultan – Portrait de Larry Sultan

Il est impressionné par le projet intitulé Evidence que Larry Sultan réalise avec Mike Mandel dans les années 70.

Le livre est le résultat d’une collecte de photos récupérées dans des laboratoires, des ministères de l’armée, des départements de la police et dans différents instituts médicaux en Amérique.

Ils ont recherché dans les archives des photos vraiment « objectives ».

© Larry Sultan et Mike Mandel – Livre Evidence

Privée de son contexte, chaque image se double d’une charge poétique et invite le spectateur à mettre en doute la véracité du document.

© Larry Sultan et Mike Mandel – Livre Evidence
© Larry Sultan et Mike Mandel – Livre Evidence

Halpern est particulièrement marqué par la capacité du livre à créer de la magie avec des images purement documentaires :

« Tu ouvres ce bouquin et tu es emporté dans une aventure comme dans un livre pour enfants ou un conte de fée. C’est simplement de la magie, un sentiment d’émerveillement que tu dois interpréter. »

Conversation entre Gregory Halpern et Michael Mack
© Larry Sultan et Mike Mandel – Livre Evidence
© Larry Sultan et Mike Mandel – Livre Evidence

Jim Goldberg

Au California College of the Arts, Halpern a comme professeur un autre photographe célèbre, Jim Goldberg dont le projet Raised By Wolves (1995) l’inspire.

© Arturo Oliva Pedroza – Portrait de Jim Goldberg

De 1985 à 1995, Goldberg a passé dix ans dans les rues de Californie à documenter la vie des adolescents fugueurs.

Dans le livre qui en résulte, on suit plusieurs histoires personnelles, en particulier celle de Dave et Echo.

© Jim Goldberg – Polaroid, Echo and Dave – San Francisco – 1989
© Jim Goldberg – « Dave and Cookie jonesin’, coming down off of drugs » – San Francisco – 1989

En plus de photos, le livre est composé de fragments de conversations, de dessins, de notes écrites par les sujets photographiés eux-mêmes, comme ici par Dave :

© Jim Goldberg – « I’m Dave. » – Hollywood, Californie – 1989

On y trouve des cartes :

© Jim Goldberg – « Echo’s Map, San Francisco and New York » – 1989

Des collages :

© Jim Goldberg – « Polaroid collage » – Californie – 1989
© Jim Goldberg – « Street Map » – Californie – 1989

Des photographies de vêtements portés par les protagonistes :

© Jim Goldberg – « Dave’s jacket » – Hollywood, Californie – 1991

Raised By Wolves n’est pas une œuvre de photojournalisme, elle se situe entre la fiction documentaire et narrative. Goldberg parle « d’une œuvre de fiction qui est tout à fait vraie. »

Halpern est impressionné par le mélange de brutalité et de sensibilité qui traverse l’œuvre. C’est ce livre qui l’incitera à « travailler avec ses mains et à faire des collages », pour son projet Omaha Sketchbook (2011).

Ahndraya Parlato

Le California College of the Arts aura vraiment été utile pour Halpern car il y a trouvé sa vocation ET sa femme, la photographe Ahndraya Parlato.

© Ahndraya Parlato en 1996

Très jeune, elle a vu sa mère atteinte d’une maladie mentale. Elle a été placée dans la position unique de devoir décider si les observations et les peurs de sa mère étaient réelles ou imaginées.

Les photographies regroupées dans A Spectacle And Nothing Strange lui permettent de se déplacer entre différentes réalités tout en interrogeant les perceptions normales, anormales, saines et insensées.

Halpern pense que l’univers de se femme a déteint sur lui :

« Son travail et son influence m’ont poussé vers un intérêt pour le surréalisme, ainsi que cet espace entre le documentaire et la fiction. »

Conversation entre Gregory Halpern et Michael Mack
© Ahndraya Parlato – A Spectacle And Nothing Strange
© Ahndraya Parlato – A Spectacle And Nothing Strange
© Ahndraya Parlato – A Spectacle And Nothing Strange
© Ahndraya Parlato – A Spectacle And Nothing Strange

Récap des influences

  • Milton Rogovin : Halpern découvre le livre Tryptychs quand il est adolescent. Le style documentaire du photographe va l’inspirer pour son premier projet Harvard Works Because We Do.
  • Chris Killip : son prof à Harvard. Halpern est marqué par le livre In Flagrante et sa structure narrative prodigieuse.
  • Larry Sultan : son prof au California College of the Arts. Halpern retient la capacité du livre Evidence à créer de la magie avec des images purement documentaires.
  • Jim Goldberg : son prof au California College of the Arts. Halpern est impressionné par sa faculté à assembler des éléments disparates au sein de Raised By Wolves.
  • Ahndraya Parlato : son épouse rencontrée pendant ses études. Il retient son intérêt pour le surréalisme et son travail entre documentaire et fiction dans A Spectacle And Nothing Strange.

Conclusion

Après Harvard Works Because We Do, Halpern abandonne l’approche documentaire.

Dans un épisode du podcast Magic Hour, Halpern évoque ce premier livre :

« Je ne pouvais pas admettre de contradictions car j’avais besoin de clarifier un point politique […] et, chaque image avait une fonction. Il ne pouvait y avoir de place pour la confusion. »

Cependant, des images lui semblaient trop faciles, manipulatrices.

Il poursuit :

« Bien que je continue à croire en la justification politique de ce projet, je pense qu’il n’est pas très intéressant en tant qu’art. »

Il se sent de plus en plus intéressé par les photos qui ne pouvaient pas entrer dans ce projet. Celles qui compliquaient le récit, ou contredisaient quelque chose.

Il conclut :

« Mais c’est ainsi qu’est le monde : toujours contradictoire et idiosyncratique, et j’aime ça, vous savez ? »

Les mentors qu’il a croisés ont sans doute contribué à cette évolution, qui s’est matérialiséé par Omaha Sketchbook en 2009, A en 2011, et le chef d’oeuvre ZZYZX en 2016.

Livre conseillé

  • LE livre de l’article : ZZYZX. Si vous souhaitez l’acheter, vous pouvez cliquer sur la couverture, c’est un lien affilié : ça ne vous coûte pas plus cher, Amazon gagne un peu moins et moi de quoi entretenir le blog.

Le livre est réalisé par la maison d’édition anglaise Mack. La qualité de la production est exceptionnelle, que ce soit celle des photos imprimées, le choix du papier mat, ou l’audace du design de la couverture.

Merci de m’avoir lu jusqu’au bout. Si l’article vous a plu, laissez-moi un petit mot, cela fait toujours plaisir. 

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59 réponses sur « « ZZYZX » de Gregory Halpern : le futur de la photographie américaine »

« Après Harvard Works Because We Do, Halpern abandonne l’approche documentaire. »

C’est bien dommage, car c’était bien plus fort que le travail esthétique / esthétisant qu’il fait depuis.

Pour moi, Halpern a abandonné l’approche classique au profit d’une forme contemporaine du documentaire.

Paul Graham a regroupé des photographes avec une telle approche dans son livre But Still, It Turns (2021).

« Avec But Still, It Turns, Paul Graham présente une thèse subtile, un manifeste revitalisant, pour la photographie. Les séries présentées ici, diverses et dynamiques, défendent un engagement sans complexe, mais pas sans complexité, envers l’incroyable écheveau de la réalité. Sans être tentés par les artifices du studio ou les contraintes et restrictions liées au mode documentaire conventionel, les artistes racontent des histoires ouvertes qui évoluent, se déforment, se ramifient, en accord – infailliblement – avec la vie telle qu’elle est.»

Cet article sur ZZYZX est des plus passionnants.

Au début j’étais un peu dubitatif sur ce livre, et je m’aperçois que je n’avais pas tout saisi, par rapport à certaines photos et aussi sur la construction du livre.

Merci à toi.

Voilà qui apporte une réponse à l’intrusion de l’intelligence artificielle dans la photographie.

Une photo n’est pas qu’une image. Jamais. Elle est toujours à l’intersection entre une réalité et le regard plus ou moins conscient que le photographe porte sur elle.

Elle traduit l’interaction entre un destin et le monde. L’IA n’interagit pas avec le monde, elle le compile. Elle crée des images qui ne sont que les sommes algébriques de milliers d’autres images.

Je ne me vois pas ici me lancer dans une long débat sur ce sujet.

Je vais simplement dire que la photographie voit la réalité par le prisme d’un appareil photo.

Et les photographes construisent leur « vision » à partir de cet outil.

Bientôt, des artistes réussiront à porter un regard sur le monde par le prisme d’images générées par des IA.

Pourquoi la vision du monde via une IA serait-elle moins pertinente que celle générée à partir d’un appareil photo?

Dans les deux cas, une grande partie du travail se passera à l’éditing.

Merci Patrick pour votre contribution.

Merci pour cette découverte passionnante.

Ce photographe Gregory Halpern parle avec une sensibilité aiguë de ce qui se passe actuellement. La composition de son catalogue m’incite à le commander.

Encore mille mercis pour cet article approfondi!

J’ai pris le temps de lire ton article et je ne le regrette pas.

Moi qui croyais être un peu avancée en photo, je me prends une grande claque et m’aperçois que j’ai encore un long chemin à parcourir pour arriver à ce niveau.

J’ai regardé le livre sur youtube et j’ai l’impression de ne voir que la moitié des choses. Ma compréhension des séquences est simpliste voire inexistante. Mon ressenti face aux photos est très différent (bon ça, c’est aussi une question de personnalité, de sensibilité).

Enfin bref, je suis admirative de ton décodage des livres et des photos, c’est vraiment très instructif.

Merci pour ce travail.

C’est aussi très bien d’avoir un ressenti différent du mien 😉

Merci Sandrine.

Antoine, merci pour la qualité de ton blog et la pertinence de ton analyse qui nous montre que tu as vraiment creusé le sujet.

Au plaisir de te lire.

Je débute l’article, je regarde la vidéo, je ne comprends pas trop, je mets la playlist, j’écoute, je lis, je découvre, je crois comprendre, je redécouvre, j’ai la tête ailleurs…Merci.

C’est un petit rituel en ce moment après le boulot, je rentre chez moi, impatient de découvrir un nouvel article de ton blog.

On dirait que tu décris ce qu’est un processus créatif.

Je suis ravi de t’accompagner un peu après le boulot ! 🙂

Merci Antoine pour ce travail de fond qui nous permet de constamment nous émerveiller, nous interroger et nous remettre en question.

Je ne connaissais pas Gregory Halpern et ça fait du bien de découvrir de la street photography contemporaine.

Très bel article, fouillé et pertinent, qui donne les clés pour comprendre un photographe contemporain. Felicitations, continuez!

Merci de m’avoir proposé de lire votre article.

J’avoue que mes goûts sont très éloignés du travail de Gregory Halpern. Je vous ai lu par curiosité.

Merci pour ce travail ! Il donne envie de penser différemment ma démarche, de l’approfondir.

L’idée de séquençage permet de travailler différemment la question de la suite, par exemple, et renvoie à l’idée d’un séquençage spatial, très riche lui aussi.

Votre analyse fait entrer dans une histoire très littéraire, et je me demande si vous n’avez pas envie d’écrire un texte qui serait comme un récit en parallèle des photos, lien entre une histoire personnelle et celle d’un autre, pour rejoindre quelque chose de plus universel.

Bref, merci encore, et je m’empresse de partager.

Lorsque vous dîtes que mon analyse fait entrer dans une histoire très littéraire, vous voulez dire que mon analyse est écrite sous la forme d’un récit ou que j’ai analysé le livre ZZYZX comme une histoire très littéraire ?

(Je suis un peu crevé, peut-être que demain votre message me semblera limpide aha).

C’est chouette si l’idée de séquençage a résonné dans votre propre travail 🙂

Un très grand merci !

J’aime passionnément la photographie, sans avoir suivi d’école ou de formation d’art ou de littérature.

J’ai été transporté par votre article. Une chose qui est vraiment géniale, un peu comme dans un musée d’ailleurs, c’est d’avoir un guide pour parcourir une expo, un livre, ce qui est d’une richesse incroyable pour des personnes comme moi qui n’ont pas la formation ou l’œil suffisamment aguerri.

Bien sûr, j’ai ma propre lecture, mais elle était aux antipodes de la vôtre. En lisant votre travail, j’ai appris et cela m’a apporté beaucoup de satisfaction.

C’était vraiment mon intention avec cet article : proposer des clefs de lecture à ce livre très riche.

C’est en creusant l’analyse que je me suis rendu compte des thèmes, de la structure du livre et de son séquençage.

Et c’est vrai, dans cet ouvrage, il y a beaucoup à apprendre sur la narration visuelle.

Merci beaucoup pour votre commentaire.

Je viens de tomber par hasard sur ton site.

Franchement bravo, ton article est vraiment détaillé et donne envie d’acheter le livre.

J’ai beaucoup appris et compte bien en apprendre davantage avec ta newsletter 😉

Encore un article passionnant Antoine. Merci pour le taf.

Je ne le connaissais pas du tout, le photographe a l’air très intéressant et son livre un bel objet.

Merci Jérémy ! Normal, il n’est pas encore très connu, c’est un petit jeune pour l’agence Magnum 🙂 (il a une petite quarantaine d’années).

Des biographies bien travaillées, complétées par des analyses pertinentes, le tout donne envie de voir le travail de chaque photographe.

Que l’on aime ou pas ceux que tu choisis de mettre en avant, peu importe. Notre culture photographique s’en trouve un peu plus enrichie. Personnellement ta démarche et intéressante dans le sens où cela peut aider à trouver sa voie, «aller au delà de l’imitation et trouver notre propre vision»

C’est pour tout ça que je me suis permis de te citer auprès des adhérents de mon photoclub.

Au plaisir de découvrir de nouveaux talents.

Merci Moussa pour ton commentaire, c’est tout à fait ma démarche, de longs articles à mi-chemin entre la culture photo et l’analyse qui permettent de comprendre le travail de grands photographes.

Et même si l’on n’est pas touché par ceux dont je parle, leur parcours et leurs réflexions résonnent forcément en chacun d’entre nous.

PS : et bien sûr, tu peux diffuser les articles du blog au sein de ton club photo autant que tu veux 🙂

Merci pour cet article captivant ! Je ne connaissais pas ce photographe.

Hâte de découvrir tes prochains articles.

C’est vrai qu’il n’est pas encore très connu.
Merci pour ton soutien 🙂

Merci Thomas, je suis ravi que l’article t’ait plu !
Je me mets au travail alors 😉

Merci beaucoup pour nous avoir permis cette découverte d’un photographe singulier.

Comme chaque fois j’ai envie d’acheter le livre, mais je ne pratique pas suffisamment bien l’anglais pour pouvoir le lire correctement, car je suppose que les textes ont toute leur importance.

Si vous parlez du livre ZZYZX de Gregory Halpern, il n’y a que des photos. Pas de texte.

Ce n’est pas la même chose mais vous pouvez le voir sur Youtube…pour vous faire une idée de l’objet.

Ravi que vous ayez apprécié le travail d’Halpern.

Et merci de votre commentaire, Guy.

Arrivée à la photographie par hasard il y a deux ans, la technique toujours en cours d’apprentissage, quel bonheur de découvrir toute l’étendue de la culture photographique.

Et vos articles m’y aident beaucoup.

Merci. Hâte de lire le prochain…

Héhé ça me rappelle quelqu’un ça et c’est tellement vrai!

Depuis que j ai commencé à lire et écouter Thomas, j’ai pu entre autres acquérir de superbes livres et commencer à enrichir ma culture photo en vendant tout le matos photo « dernier cri » que j avais acheté beaucoup trop cher.

(En pensant que ça m’aiderait à faire de meilleures photos.)

Puis, j’ai affublé mon boîtier numérique D700 d’une panoplie de vieux cailloux argentiques des années 1980, à focale fixe et mise au point manuelle.

(Et je préfère largement mes images d’aujourd’hui !)

Je ne peux qu’être d’accord. (on est tous passés par là aha!)

J’ai beaucoup aimé cet article et merci énormément pour cette belle découverte.

J’avoue, je m’attendais réellement à un livre plus post-apocalyptique que les images que vous montrez, qui me paraissent pleines de vie tout de même.

Mais peut-être serait-il mieux pour moi de voir le livre en entier avant de m’en faire une idée définitive. Car oui, vous m’avez donnée envie de l’acheter et de l’analyser par moi-même. Surtout que vous parlez de la séquence qui serait réalisé comme une histoire.

Cela m’intéresse beaucoup car je suis en pleine réflexion sur ma pratique photographique et, passionnée par l’écriture depuis longtemps, j’ai pour idée de lier la photo et l’écriture. À moi de trouver comment.

J’ai hâte de découvrir vos autres articles, ce que je ne manquerai pas de faire cette semaine. Je prendrai le temps de lire les précédents.

Je vous souhaite une très bonne soirée.

Bonjour Simone, merci pour ton commentaire.

Dans un univers post-apocalyptique, c’est à la fois la fin du monde et un nouveau départ. Une contradiction qui permet de développer un discours ambivalent sur le monde réel. Même si le monde que dépeint Halpern est plutôt sombre, de l’espoir et de la vie apparaissent par petites touches, ici et là.

Si la structure et la séquence sont des sujet qui t’intéressent, ZZYZX est un livre référence. Je ne suis pas le seul à le dire. Par exemple, Shannon Ghannam de Magnum dit qu’« elle ne sait plus combien de fois elle a suggéré à un étudiant aux prises avec un problème de regarder son travail, à chaque page il y a tellement à apprendre sur la narration visuelle. »

Antoine, merci pour votre réponse.

J’ai hâte de recevoir le livre, du coup, pour le découvrir dans son ensemble et l’analyser pour le comprendre, et surtout, apprendre ! 🙂

À très vite.

Top ! Et si vous avez une autre perception du livre que moi, envoyez-moi un petit message, ça m’intéresse.

Merci Thomas 🙂

J’ai vu qu’Halpern l’avait eu comme prof pendant son master au California College of the Arts, il le remercie d’ailleurs à la fin du ZZYZX.

Quand tu finalises un livre photo, ça doit être pas mal utile d’avoir un mec comme Todd Hido dans ton entourage !

C’est marrant, Halpern a croisé d’immenses photographes pendant ses études (Killip, Sultan, Goldberg, Hido).

Je ne sais pas si c’est une particularité du système universitaire américain, mais en France, on imagine mal un photographe comme Raymond Depardon être prof titulaire à la fac de Lille ou de Nanterre.

Comme d’habitude un article très intéressant. Mais qui m’ a bien moins touché que les précédents probablement parce que les photos de Halpern ne me touchent pas.

Exceptés 1 ou 2 portraits, vraiment je n’accroche pas. À la narration non plus d’ailleurs. Mais bon on ne peut pas être sensible à tous les photographes.

Je me demande qui sera concerné par ton prochain article 😉

Bonjour Alain,

C’est vrai que, si l’univers de ZZYZX ne te touche pas, il est normal que tu aies été moins sensible à cet article.

Halpern est encore très jeune, et son évolution est assez impressionnante je trouve, en seulement quelques années finalement.

Attendons de voir ce que le futur réserve 😉

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