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Photographie narrative

Dans la tête de Julien Coquentin

Entrez dans la tête du photographe Julien Coquentin, au plus près de son travail, de ses goûts, de ses influences et de son processus créatif.

Temps de lecture : 18 min

Pour en savoir plus sur le concept de l’entrevue : C’est quoi l’entrevueDans la tête” ?

Les réponses sont rédigées par Julien Coquentin.

Sommaire

Qui est Julien Coquentin ?

Julien Coquentin est un photographe français autodidacte, né en 1976 à Rodez. Il a suivi une formation infirmière à Marseille, profession qu’il a exercée durant 15 ans en parallèle de celle de photographe.

Ses principaux projets

Tôt un dimanche matin (2013)

En 2010, avec ma compagne et notre fille, nous partons vivre deux ans à Montréal et je commence une série au gré de ses rues.

Julien Coquentin - Tôt un dimanche matin
Julien Coquentin – Tôt un dimanche matin

Il s’agit alors d’apprendre. Je suis infirmier la nuit tandis que le jour je photographie avec un réflex numérique et un moyen format argentique.

C’est encore, aujourd’hui, ma manière de travailler. Je m’attache aux saisons, à notre quartier, à ce que je vois sur ce chemin qui mène aux urgences.

La nuit, je me mêle aux humeurs des autres, j’écoute la langue de chacun, on accueille, on soigne, c’est un envers du décor, comme une ombrée de la ville.

Julien Coquentin - Tôt un dimanche matin
Julien Coquentin – Tôt un dimanche matin

Le jour, je photographie, seul, une façon de faire silence en moi. À notre retour, j’ai la chance de croiser la route de David Fourré, des éditions Lamaindonne, et nous publions notre premier livre en commun, quatre autres suivront.

Voir le livre Tôt un dimanche matin publié aux éditions Lamaindonne

Saisons noires (2016)

2013. Nous revenons vivre sur une terre natale, l’Aveyron. Les paysages semblent façonnés par les souvenirs.

Julien Coquentin - Saisons noires
Julien Coquentin – Saisons noires

Influencé par le livre Face au silence de Christophe Agou (j’y reviendrai), j’entame une série photographique qui aura à voir avec la mémoire, le temps qui passe.

Je photographie des paysans des environs immédiats, mes filles, la forêt. Nous habitons une maison isolée. Une nouvelle fois, je raconte ce qui m’entoure, j’écris de courts textes qui s’associeront, par la suite, à ma photographie pour la réalisation d’un nouveau livre aux éditions Lamaindonne.

Julien Coquentin - Saisons noires
Julien Coquentin – Saisons noires

J’ai la chance immense de me voir proposer une très belle exposition par la directrice du musée des Beaux-Arts de La-Roche-sur-Yon, Hélène Jagot.

Julien Coquentin - Saisons noires
Julien Coquentin – Saisons noires

J’achève cette série, intitulée Saisons noires, en 2016, alors que notre troisième enfant fait son entrée en scène et qu’un loup s’installe dans les forêts d’Aubrac.

Voir le livre Saisons noires publié aux éditions Lamaindonne

Tropiques (2020)

2017. Nous partons vivre deux années sur l’île de La Réunion. Je souhaite raconter une fiction, elle prendra la forme d’un autre livre : Tropiques, sorti à notre retour en métropole aux éditions Lamaindonne.

J’y mêle nouvelles et photographies. Je compose une île de toutes pièces. C’est une expérience exaltante, une joie enfantine, dans laquelle je convie des cyclones, des chiens errants, une mère, son fils, une crevasse, des amoureux, un volcan. Je construis et je détruis.

Le cœur de la série est ici : dans ce mouvement lent qui fait naître une forme et la réduit à néant l’instant suivant. Je souhaitais que ce soit très organique.

La série sera exposée dans deux très beaux lieux de « L’été photographique de Lectoure » à l’invitation de Marie Frédérique Hallin.

Julien Coquentin - Tropiques
Julien Coquentin – Tropiques

Voir le livre Tropiques publié aux éditions Lamaindonne

Oreille coupée (2023)

2023. Avec mon éditeur nous publions Oreille coupée, fruit de trois années de travail sur les pas d’un loup.

Je reprends mes habitudes photographiques auxquelles j’ajoute quelques tâtonnements sur le procédé du cyanotype (voir la définition du cyanotype) qui donneront à la série son âme nocturne. C’est là, d’une certaine manière, un prolongement à mes Saisons noires. Je me tiens sur l’orée, cette frontière fragile qui nous « sépare » de ces « autres animaux ».

Je rencontre des paysans, des naturalistes, je cherche à suivre les traces sur le sol, je creuse ma part de peur, j’explore les archives départementales, une nouvelle fois c’est une joie et c’est un livre bien accueilli par la presse et le public.

Sur une proposition de François Boucard, une exposition est coproduite par trois lieux, appartenant au Réseau Diagonal : « Le Carré d’Art » de Chartres de Bretagne, « La Chambre » de Strasbourg et le « Centre Claude Cahun » de Nantes avec un cycle d’expositions s’échelonnant de 2023 à 2025.

Voir le livre Oreille coupée publié aux éditions Lamaindonne

La série « Oreille coupée » est exposée à Belfort jusqu’au 30 novembre 2024 dans le cadre du « Mois de la Photo » (voir le programme)

Gast (2024)

Ce n’est pas de la photographie mais l’écriture d’un roman, à l’invitation de Monica Santos et Mat Jacob, lors d’une résidence à Zone i. C’est une carte blanche littéraire proposée à un photographe et je fais le choix de la fiction.

Une nouvelle fois, l’idée de tenir à distance la réalité m’a plu. Je me suis inspiré des lieux – un vieux moulin -, un territoire – le Loir-et-Cher -, et j’ai inventé une famille, je me suis glissé dans la peau d’une petite fille que j’ai regardée grandir et vieillir. Construire et détruire.

Entre les sessions d’écriture, je partais parfois dans les environs pour photographier.

L’expérience, passionnante, a pris la forme d’un ouvrage en coédition Zone i / Filigranes.

Voir le livre Gast publié en coédition Zone i / Filigranes.

Partie I : Zoom sur un projet photo de Julien Coquentin

Parle-moi d’un de tes projets : L’aval

L’aval, c’est ce qu’il y a en bas. Évidemment, cela semble un peu con de préciser ça, mais c’est avant tout une direction puis une carte dont l’unité de mesure est mon pas que j’égrène, en silence, dans un creux de ma tête.

Je pars de la maison et descends à travers prés, à travers bois, jusqu’à rencontrer une rivière, un barrage. Les bois, enchevêtrés, me rappellent certaines forêts asiatiques, la touffeur, la sensualité de leurs obscurités, l’envie irrépressible d’aller se perdre, de disparaître, de s’effacer.

Julien Coquentin - L'aval
Julien Coquentin – L’aval

C’est une série entamée en 2016, par hasard, en utilisant de la Kodak Portra périmée un jour de brume. La forêt ressemblait aux abysses, il m’a semblé ressentir un appel.

Julien Coquentin - L'aval
Julien Coquentin – L’aval

Je m’attache alors à ce que je vois : un arbre tortueux que le temps a creusé, presque toujours un châtaignier ; la lisière et ses secrets ; quelques murs éboulés, les souvenirs de la rivière. L’eau avance, elle aussi, se fraie sa part d’aval.

Julien Coquentin - L'aval
Julien Coquentin – L’aval

Au-delà, il y a un village où j’ai grandi mais je m’arrête là, je cesse de marcher aux différentes structures du barrage prises dans la végétation. Le béton représente un obstacle dans le paysage et un repère sur ma frise chronologique.

À cette part argentique, j’associe des prises de vue réalisées avec une ancienne chambre photographique, du papier photosensible que j’expose à plusieurs reprises de manière aléatoire.

J’ignore comment le visage de mes enfants se mêlera aux fougères. Il y a là un mystère, des erreurs d’appréciation nombreuses, de la déception et des joies. Prolonger l’ombre de la forêt par celle de la chambre noire ajoute à l’exploration.

La série, que les éditions Origini viennent de publier, forme, avec Saisons noires et Oreille coupée, une trilogie. L’aval achève un cycle.

Voir le livre L’aval publié aux éditions Origini

Raconte-moi une photo de ce projet

C’est un ventre. Le ventre de la colline.

Julien Coquentin - L'aval
Julien Coquentin – L’aval

Un vaste tunnel en béton, évacuateur de crues. 512 pas pour le traverser. Gamins nous rentrions, sans obstacle, à l’intérieur de cette gueule immense et parcourions, bravaches, la distance. Il fallait épater, les filles surtout.

Aujourd’hui, l’entrée est barrée de mille préventions : barbelés, grillages, murs, buissons d’épineux. J’avais besoin de cette photographie parce qu’il y a, dans cet éblouissement, des images subliminales.

Non loin, à proximité d’un déversoir, il existait une petite falaise à partir de laquelle nous nous jetions dans une retenue, l’eau noire se refermant sur nos corps.

Entre les deux, une troisième structure de béton, prise dans la végétation : le cœur de l’aval. Je pose dans les bois environnants plusieurs pièges photographiques que je fixe aux arbres, la vie animale est nombreuse.

C’est un ventre, un ventre secret, que je fouille à mains nues.

Partie II : Les goûts et les inspirations de Julien Coquentin

Un album que tu as beaucoup écouté

Difficile, j’écoute beaucoup de musique. Peut-être pas un album mais une autrice-interprète : Soap&Skin. Ses reprises de Me and the Devil (2013) et Voyage Voyage (2012).

Je ne me lasse pas de son terrible morceau Spiracle (2009), de la beauté poignante des envolées de Surrounded (2018), des profondeurs de (This is) Water (2018).

C’est une artiste rare et très intimidante.

➜ Écouter la chanteuse Soap&Skin sur Spotify et Deezer

Un roman qui a éveillé quelque chose en toi

Comme beaucoup, le Voyage au bout de la nuit (1932) de Louis-Ferdinand Céline.

Livre lu lorsque j’avais 22 ans, la première fois que des phrases exprimaient si étroitement ce que j’éprouvais à l’endroit de la vie. Je me suis follement attaché et identifié à Bardamu.

Longtemps j’ai cru que Céline était son double alors j’ai beaucoup lu à son propos. Il m’a pris bien des années pour comprendre, et admettre, que ce n’était pas le cas. Céline était un très sale type mais je garde en moi Bardamu, comme une boussole, encore aujourd’hui.

➜ Lire Voyage au bout de la nuit

Un film dont tu te sens proche

Certainement un film où la musique joue un rôle fondamental. Je suis un adepte des BO. Peut-être La leçon de piano (1993) de Jane Campion.

Je me souviens d’une île, l’humidité de la forêt, les silences, la sensualité des mains, des corps, la moiteur, les souffles, la passion. L’image, bien sûr, du piano sur la plage.

J’avais 17 ans et le film m’avait fasciné et ouvert bien des horizons. J’ai su plus tard que l’actrice (Holly Hunter) jouait elle-même de l’instrument et qu’elle avait appris la langue des signes. C’est un tournage que j’aurais adoré photographier.

➜ Voir La Leçon de piano sur Allociné

Où trouves-tu l’inspiration ?

Partout. Vraiment partout. En observant le monde, en l’écoutant, en le lisant, en l’éprouvant. Raconter l’endroit où l’on vit est une bonne manière, je crois, de construire quelque chose qui a du sens.

Connaître les lumières d’un lieu, ses saisons, et ce depuis l’enfance, aide forcément à photographier. J’ai toujours un bouquin en cours pour accompagner mes projets mais aussi pour les susciter.

La musique, que je porte haut, au-delà de tout, me donne aussi de la matière. Je tâche de me laisser imprégner pour éprouver ce fameux et délicieux frisson, celui ressenti au moment où on pense avoir trouvé quelque chose.

Les photographes qui t’inspirent

Raymond Depardon

Ma première série, Tôt un dimanche matin, a été directement inspirée par Paris Journal (2004), un livre de Depardon. Il écrit ceci :

« Paris journal » est un mot clé que j’ai inventé pour classer mes photographies que je fais sans sujet particulier. Ni photographies de travail, ni photographies familiales, elles sont faites pour le plaisir et au hasard de mes déplacements dans la capitale. 

Voilà, je souhaitais cela. Me libérer de la contrainte formelle de la série pour me laisser aller à marcher et à photographier. J’avais été également profondément marqué par son ouvrage Errance (2004).

Raymond Depardon - Errance - Une route vide
Raymond Depardon – Errance

C’est un temps où je dévorais les livres de photographie. Je me souviens de ma rencontre avec celle d’Irving Penn, de Saul Leiter.

Irving Penn

Saul Leiter

Les rues de Montréal, leur américanité, se reflétaient dans les ouvrages que je parcourais à la bibliothèque Mordecai-Richler. À la même époque, je découvrais le Face au silence (2011) de Christophe Agou qui m’ouvrira mes Saisons noires.

Christophe Agou

Les deux séries ont directement voisiné, en 2017 à Sète, à l’invitation de Gilles Favier, lors du festival ImageSingulières. Cela m’a touché, le photographe venait de mourir deux ans auparavant.

D’autres ont compté dans mon cheminement. Il y a Bryan Schutmaat et sa série Grays the Mountain Sends (2013), Les Mois Noirs (2020) de Stéphane Lavoué.

Bryan Schutmaat

Pour aller plus loin : Vous pouvez lire mon article Les États-Unis en 53 livres photo

Stéphane Lavoué

Pour aller plus loin : Vous pouvez lire mon article Dans la tête de Stéphane Lavoué

Tous deux ont une approche (toujours à l’exacte bonne distance) des lieux et des êtres qui me fascine, m’intimide et me donne envie. J’aime avoir envie.

Stephan Vanfleteren

Le très beau Charleroi (2015) de Stephan Vanfleteren et au-delà toute sa photographie d’atelier.

Noémie Goudal

Et puis, il y a Noémie Goudal : Observatoires (RVB Books, 2016), Stations (RVB Books, 2017), Untitled (Mountain) (2021), White Pulse (2023). J’aime vraiment sa manière de réinventer le médium et j’imagine sa joie à penser ses projets, réussir à les matérialiser. Découvrir ses œuvres est chaque fois une grande source de plaisirs.

À noter que Noémie Goudal est lauréate du prix Marcel Duchamp 2024 (lire l’article sur Art Basel).

Un livre photo sur lequel tu reviens souvent

Il n’y en a pas.

Partie III : Le processus créatif de Julien Coquentin

Qu’est-ce qui vient en premier chez toi : l’idée d’un projet ou bien des photos individuelles qui suggèrent un concept ?

Un beau jour, un projet fait irruption dans mon existence. Il prend la forme d’une tempête, d’un loup, d’un feu, une forêt, une bourre de coton, une odeur. Un motif apparaît et je réfléchis à la manière d’exprimer cela.

Commence alors cette part de la création que j’aime par-dessus tout : la pensée. Des semaines, des mois, parfois des années je réfléchis, je lis, c’est là quelque part et ça grossit. Il n’y a alors pas d’appareil photo, guère de mots, c’est une entrée en matière délicate, lente, patiente mais absolument résolue.

Quels éléments clés doivent être présents lorsque tu crées un projet photo ?

Chaque projet va m’occuper plusieurs années. Il me faut donc éprouver l’envie de regarder et de réfléchir à mon sujet. Un territoire identifié et une communauté. J’ai besoin d’apprendre.

Je veux ressortir de ma série, très égoïstement, grandi, amplifié par ce que j’aurai assimilé. La création demande de se fondre à son sujet, de le connaître et de l’éprouver. Une fois l’œuvre achevée, on ne sera plus tout à fait le même.

Comment considères-tu la création d’un projet qui fait sens par rapport à la réalisation d’une grande photo individuelle ?

Une photographie prise de manière individuelle ne m’intéresse pas. J’ai besoin que l’on me raconte une histoire qui ira bien au-delà d’une image, même iconique.

J’ai besoin d’appréhender l’autre dans une certaine forme de totalité : son œuvre, sa vie. Une photographie est une virgule, un mot, rien de plus, c’est ainsi que je conçois chacune des miennes.

Quelle relation entretiens-tu avec le concept de beauté en photographie ?

Je ne veux pas abîmer mon sujet alors je cherche souvent, oui, la beauté. J’avoue éprouver un immense plaisir lorsque je découvre mes négatifs, dans la lumière du soleil, et devine qu’il y a là de la beauté. Tout cela est fort subjectif mais le monde est ainsi fait, chacun regarde les choses de l’endroit où il se trouve.

Pendant quelques années, j’ai exercé mon boulot d’infirmier par des visites à domicile. Certaines se déroulaient dans des fermes, auprès de vieilles paysannes, de vieux paysans. L’aube à peine. Une lumière délicate, des corps esquintés par le labeur et moi, à genou, à faire ce qu’ils ne pouvaient plus faire : une simple toilette quotidienne. J’ai assisté là, sans pouvoir les fixer, à d’innombrables photographies, des images sublimes qui s’imprégnaient sur ma rétine avant de disparaître.

La beauté est trop émouvante pour la délaisser ou réussir à la mépriser.

As-tu ce que l’on appelle un « style photographique » ?

Je suis un peu obsessionnel et n’ai guère varié de méthode au fil des ans. Je photographie à peu près de la même manière, avec le même type de matériel, aux mêmes heures qu’il y a 14 ans. Il est donc possible que cette obstination produise un « style ». C’est parfois ce que l’on me dit mais il est compliqué de juger cela par soi-même.

Comment définirais-tu ton approche sur un continuum qui irait de complètement intuitif à intellectuellement formulé ?

Cela débute toujours par une intuition. Un peu à la manière d’une intersection devant laquelle tu pressens qu’il te faut prendre ce chemin-ci et pas un autre. Une sensation. À partir de ce moment, oui, l’intellect prend le dessus.

D’abord, je crois, parce que c’est là ce que je préfère. Retarder le moment où il me faudra mettre des photographies. C’est un petit peu comme si j’écrivais par l’esprit. Des phrases, des mots, d’ailleurs me viennent que je note pour ne pas les oublier. Des fragments que je reprendrai plus tard, tels quels, ou des annotations qui agissent comme des balises.

Comment définirais-tu ta photographie sur un continuum qui irait de document scientifique à poésie abstraite ?

Abstraite non, mais j’ai plutôt tendance à poétiser mon propos photographique. C’est assez périlleux de qualifier, expertiser sa propre photographie. D’autant que, même si le propos est « intellectuellement formulé », il y a dans l’acte créatif une bonne part d’impensé, peut-être est-ce là ce que tu nommes intuition.

Mon travail ne s’affirme en aucune manière comme un document scientifique. Je ne prétends jamais relater autre chose que mes propres sensations, elles n’ont donc, à ce titre, aucune justesse théorique.

En revanche, si je n’affirme rien, je désire que les autres puissent se voir et se sentir dans ce que je reflète du monde, que mon expérience particulière rencontre d’autres semblables particularités. C’est ce lit commun qui m’intéresse.

En supposant que tu photographies aujourd’hui avec ce que tu considères comme ta voix naturelle, as-tu déjà souhaité que ta voix soit différente ?

Assez souvent oui, surtout en commande presse à dire vrai. Je suis toujours très impressionné par les photographes qui réussissent à y répondre avec justesse. Laura Stevens, Stéphane Lavoué dont je reconnais immédiatement les signatures sans avoir à me pencher sur le copyright.

J’aimerais avoir ce don-là. S’agissant de mes projets personnels, je désirerais attirer davantage de chaos. Ma photographie est souvent trop propre et je regrette de ne pas réussir à la tordre et la mettre sens dessus dessous.

Que fais-tu lorsque tu doutes ou tu te sens bloqué sur le plan créatif ?

Je me demande si je dois tout arrêter. J’ai des difficultés à me convaincre que je suis légitime à raconter le monde, que ce soit par la photographie ou l’écriture. Peut-être, cela a-t-il à voir avec le fait d’être autodidacte. J’ai appris, il n’y a pas très longtemps, l’existence du syndrome de l’imposteur qui me correspond bien.

Dans mes périodes de torpeur artistique, cette face sombre s’en trouve exacerbée… et puis le frisson revient. Dans tous les cas, je crois que j’ai besoin de me dire que je peux tout arrêter, faire autre chose, du jour au lendemain, que c’est possible.

Comment sais-tu qu’un projet photo est terminé ?

Jusqu’à présent, un livre a toujours achevé mes séries. Une fois qu’il est imprimé, il y a quelque chose qui se ferme et sur lequel je ne reviens plus.

Plus de Julien Coquentin

Quelques ressources supplémentaires pour découvrir Julien Coquentin et son travail :

  • Julien parle de son travail pendant près de 1h10 min dans l’excellent podcast Vision(s). Passionnant !
  • Suivre son Instagram en cliquant sur sa tête
Julien Coquentin par Ninon

Conclusion

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Poursuivez la lecture avec une autre entrevue : Dans la tête de Stéphane Charpentier

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26 réponses sur « Dans la tête de Julien Coquentin »

Je le connaissais que de nom, j’avais vu quelques photos via Lamaindonne.

J’ai pris le temps cette fois-ci ! Ses photos sont vraiment incroyables, les couleurs me rendent jaloux, moi qui me cantonne quasi au noir et blanc.

Encore merci, un super article.

Merci Antoine pour ce nouvel article !

Je suis assez fasciné par la vision de Julien Coquentin sur son travail, il assume ses doutes mais pourtant il semble avancer d’un pas sûr lorsque vient l’inspiration et le processus créatif. Magie de l’éditing peut-être, mais le choix des sujets et l’angle choisi me paraît très juste à travers ce qu’il dit ici et des images des séries présentées.

Je me demande par quel chemin il est passé pour être exposé et publié, sachant qu’il est autodidacte en parallèle de sa vie d’infirmier et vie de famille, je trouve ça admirable !

Intéressant aussi que l’écriture littéraire soit une corde à son arc.

Très belle découverte donc, qui sera poursuivie du podcast Visions en complément.

Merci Tony pour ton commentaire !

Je suis assez fasciné par la vision de Julien Coquentin sur son travail, il assume ses doutes mais pourtant il semble avancer d’un pas sûr lorsque vient l’inspiration et le processus créatif. Magie de l’éditing peut-être, mais le choix des sujets et l’angle choisi me paraît très juste à travers ce qu’il dit ici et des images des séries présentées.

Oui, moi aussi j’ai trouvé ses mots très justes. Il a une manière de parler de ses projets qui reflète à la fois une grande sensibilité et une vraie détermination.

Je me demande par quel chemin il est passé pour être exposé et publié, sachant qu’il est autodidacte en parallèle de sa vie d’infirmier et vie de famille, je trouve ça admirable !

Comme il le mentionne dans l’article, Julien a rapidement croisé la route de David Fourré des éditions Lamaindonne, avec qui il a publié plusieurs livres.

Très belle découverte donc, qui sera poursuivie du podcast Visions en complément.

Cet épisode de Visions est très bon, tu ne seras pas déçu 😉

Super ! Bravo pour ce « travail » dans lequel j’espère vous trouvez aussi du plaisir!

On découvre de bons artistes (qu’on aime ou qu’on aime moins, mais il y a toujours du « niveau ») avec de nombreux détails pour les comprendre mais sans se prendre la tête.

Oui, vraiment du « beau travail » Antoine !

Bonne continuation…

Comme tu le dis, on peut aimer ou moins apprécier le travail de certains photographes, mais je suis convaincu qu’il y a toujours quelque chose à apprendre de leur démarche et de leur processus créatif.

Merci David.

Je connaissais ses photos et ses livres. Mais ses mots m’ouvrent d’autres possibles sur son travail.

Elles sont précieuses ces interviews. Encore merci.

Encore une belle leçon de vision personnelle et expressive.
Il n’y a pas que le « beau » qui peut être le message d’une photo.
Bravo et merci.

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