Dans la tête d'Arno Brignon
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Photographie narrative

Dans la tête d’Arno Brignon

Entrez dans la tête du photographe Arno Brignon, au plus près de son travail, de ses goûts, de ses influences et de son processus créatif.

Temps de lecture : 29 min

Pour en savoir plus sur le concept de l’entrevue : C’est quoi l’entrevueDans la tête” ?

Les réponses sont rédigées par Arno Brignon lui-même. J’ai relu pour uniformiser l’ensemble du texte.

Sommaire

Qui est Arno Brignon ?

Arno Brignon est né à Paris en 1976 et vit actuellement à Toulouse.

Il a suivi des études d’éducateur spécialisé, à Toulouse, métier qu’il a exercé pendant 10 ans, en parallèle il s’est formé à la photographie aux ateliers de photographie de Saint-Cyprien à Toulouse, avant de faire une année d’école à l’ETPA Toulouse en 2019/2010.

Il est représenté par l’agence Signatures.

Ses principaux projets photo

Based on a true story (2015)

C’est l’une de mes premières résidences : trois mois sur le territoire du Couserans, dans les Pyrénées ariégeoises.

Arno Brignon - Based on a true story
Arno Brignon – Based on a true story

J’y mène un projet photographique centré sur des ateliers organisés avec les habitants.

Cette contrainte va devenir mon axe de création principal et va me libérer.

Cette résidence agit comme une révélation. Sur ce territoire de montagne, j’ai l’impression de franchir un col, découvrant le sentier artistique que je ne cesse d’arpenter depuis. Un chemin qui mêle faire-ensemble, expérimentation, voyage, écriture, poésie, et famille.

Arno Brignon - Based on a true story
Arno Brignon – Based on a true story

Je tombe amoureux de cette région, où je reviens sans cesse. J’y co-organise maintenant le Festival Lum.

Le livre Based on a true story, mon second, est édité aux éditions Photopaper. Il est sans doute l’un des plus importants pour moi.

Les doutes (2021)

C’est encore une histoire de résidence, cette fois à Zone i et Val image, dont l’invitation me parvient à peine sorti du confinement.

Arno Brignon - Les doutes
Arno Brignon – Les doutes

Contrairement au Couserans, le territoire ne me fait pas rêver, avec la plaine de la Beauce comme seule ligne de mire.

Mais je décide de la traverser à pied, pour mieux la comprendre.

Je marche seul dans cette immensité vide, où la présence de l’homme ne se devine qu’à travers son emprise sur la nature et les paysages.

Je ne suis parti qu’avec deux vieux appareils et quelques pellicules récupérées auprès des habitants.

Face à l’incertitude du résultat photographique, je commence à écrire.

Arno Brignon - Les doutes
Arno Brignon – Les doutes

Un livre, en co-édition avec Filigranes et Zone i, réunit ces deux démarches.

Us (2018-2022)

Us est un projet de road-trip aux États-Unis, à travers les villes éponymes des capitales européennes.

Arno Brignon - Us
Arno Brignon – Us

En 2017, j’initie ce projet avec une volonté documentaire : comprendre ce pays, si influent sur le reste du monde, qui vient d’élire Trump pour la première fois.

Arno Brignon - Us
Arno Brignon – Us

J’ai omis l’intime, mais il me rattrape. Ma famille s’immisce dans ces voyages, et ce mélange des genres bouleverse ma posture de photographe.

En 2022, trois voyages plus tard, je ne suis plus le même photographe, ni le même homme.

Arno Brignon - Us
Arno Brignon – Us

Un livre, rassemblant le récit introspectif de mon parcours et les photographies des US comme de nous (us en anglais), est édité aux éditions Lamaindonne (collection le Château d’Eau) : Us.

Les voyages de Charcot-Spanel (2024)

Les voyages de Charcots-Spanel est le dernier volet d’une série de quatre résidences réalisées en Normandie depuis 2021.

Il porte sur le quartier d’habitat social Charcot-Spanel, en rénovation. Plutôt que de prendre des photos du quartier, je choisis d’en faire mon point de départ pour arpenter le Cotentin.

Ainsi, ce sont les habitants qui décident de mon parcours. Ils m’embarquent dans leurs trajets du quotidien, pour quelques heures ou la journée entière, avant de me laisser rentrer seul à pied.

J’ai à cœur de bousculer l’image d’un quartier souvent perçu comme enfermant, et d’y mêler mon imaginaire à celui des habitants pour raconter leurs façons de vivre, dans une région prise entre béton et nature sauvage.

Pendant cette résidence, je découvre les écrits du géographe Armand Frémont, et je comprends à quel point sa pensée avait déjà façonné ma manière d’explorer les territoires, sans que j’en sois conscient. Il est devenu depuis un guide assumé.

Partie I : Zoom sur un projet photo d’Arno Brignon

Parle-moi d’un de tes projets : L’estive en étude

L’estive en étude est un projet qui me suit depuis des années. Mon intention est de le clôturer à l’été 2025, même si rien n’est certain.

2017 : Le projet débute par une commande du journal Le Monde

L’histoire commence en août 2017, lorsque Le Monde me contacte pour une commande sur l’estive d’Ourdouas, dans les Pyrénées ariégeoises, récemment frappée par une nouvelle attaque d’ours. Une estive est un pâturage de montagne où l’on mène paître les troupeaux en été.

Je commence à grimper, accompagné par tout le gratin de l’Office Français de la Biodiversité (OFB). Trois heures de marche sous la pluie pour atteindre l’estive.

Là-haut, je fais la connaissance d’Élise, une bergère.

Arno Brignon - L’estive en étude
Arno Brignon – L’estive en étude

Plus tard, j’apprendrai qu’elle n’a pas été informée de notre venue, afin d’éviter tout mouvement contestataire.

En effet, la Confédération Paysanne, l’un des deux principaux syndicats agricoles, voit en la présence de l’ours une menace pour le pastoralisme. Le pastoralisme est cette forme d’élevage traditionnel où les troupeaux pâturent librement en pleine nature.

La position ferme de cette organisation, pourtant profondément écolo, me fait comprendre que le sujet est bien plus complexe qu’il n’y paraît.

L’histoire m’intéresse. Alors je tente de convaincre la presse de me renvoyer sur place… sans succès. Je sens que ma photographie s’éloigne de plus en plus de leurs attentes journalistiques, bien que je reste encore animé par une démarche documentaire.

Arno Brignon - L’estive en étude
Arno Brignon – L’estive en étude

2018 et 2019 : Le doute

Les étés suivants, en 2018 et 2019, je retourne en montagne sans but précis. Je rencontre des éleveurs, persuadé qu’un jour je réussirai à « vendre le sujet ».

Je travaille surtout en numérique, mais aussi avec un vieux demi-format argentique que j’ai apporté en complément. (Heureusement, car je garderai très peu d’images numériques de cette période.)

C’est une période où je doute vraiment. Si j’aime ces échappées en montagne, mes photos me laissent insatisfait. Je manque de temps (et d’argent) pour m’y consacrer pleinement, souvent accaparé par d’autres priorités, notamment des résidences.

2020 : La première bascule

En 2020, j’obtiens une petite résidence dans le cadre du projet Le Bus de l’association Autres directions.

En février, je pars donc vivre 15 jours à Seix. Puis vient le confinement. J’en ressors avec l’envie d’aller à l’essentiel et de retisser un lien avec le vivant. Comme pas mal de gens. Grâce aux aides Covid, ma situation financière est plus stable, et heureusement : ma demande d’Aide Individuelle à la Création pour ce projet vient d’être refusée.

Arno Brignon - L’estive en étude
Arno Brignon – L’estive en étude

En juin, je repars en montagne. Sur l’estive d’Espugues, je rencontre deux bergers, Maëlys et Yannick, avec qui je reste plusieurs jours. Ils me parlent de la vie en altitude ainsi que des difficultés à partager l’espace avec d’autres, que ce soient des personnes ou des animaux – l’ours en tête. Je mesure à quel point j’en connais peu sur ce monde.

Je les écoute, fasciné par leur choix de vie radicale autant que par leur environnement. Perché à 2000 mètres, entouré de vaches, de brebis, de vautours et d’isards, je me sens bien.

Je sens aussi que mon sujet est en train d’évoluer, d’aller au-delà de l’ours.

L’estive est le terrain idéal pour interroger le partage de la montagne et plus globalement de la nature. Pour penser une anthropisation qui ne soit pas que domination et destruction. L’anthropisation désigne l’impact des activités humaines sur la nature.

Et puis, il y a la figure du berger qui m’intéresse, entre solitude, défi physique, conditions extrêmes et retour à l’essentiel.

Arno Brignon - L’estive en étude
Arno Brignon – L’estive en étude

2020 : Bonjour, c’est Mat Jacob de Tendance Floue à l’appareil

Un jour, alors que je marche vers la cascade d’Ars, mon téléphone sonne. C’est Mat Jacob, l’un des fondateurs du collectif Tendance Floue. On ne se connaît pas. Pour moi, Tendance Floue, c’est mythique. Je suis un peu intimidé, je l’écoute.

Il me propose la résidence Terres et territoire, un projet à réaliser près de Zone i, leur lieu de création dans le Loir-et-Cher, situé à plus de 700 km de mes Pyrénées ariégeoises.

Pourtant, l’invitation ne peut mieux tomber car je comprends que nos intentions sont similaires : poser la question du territoire dans une période particulièrement trouble tant du point de vue écologique que sociétal.

Entre septembre et novembre 2020, me voilà sur la plaine de Beauce, avec les mêmes questions qui m’animent dans mes Pyrénées ariégeoises. Il en résulte Les doutes (2021), duquel je sors libéré de l’obligation de sortir quelque chose d’un lieu unique : la montagne.

Pour la première fois, je travaille sans échéance, sans impératif d’exposition, juste pour apprendre. Faire sans viser la fin, n’est-ce pas le meilleur moyen d’y parvenir ?

Arno Brignon - L’estive en étude
Arno Brignon – L’estive en étude

2021 : Fin des aides Covid

Janvier 2021. Les aides du Covid s’arrêtent. Il faut cravacher pour boucler les fins de mois, enchaîner ateliers et prestations alimentaires.

Je décide de forcer le destin : transformer ces obligations en temps de travail sur mon sujet. Je vais au lycée agricole d’Ariège pour animer des ateliers photo.

L’année suivante, j’y retourne en résidence, bien décidé à me plonger dans le monde agricole et à comprendre l’élevage. Je négocie avec l’établissement pour rester au plus près des élèves : assister aux cours, les suivre sur l’exploitation-école, à la traite, lors des sorties, des stages, des soirées à l’internat. Le pastoralisme devient mon fil rouge.

Je me régale. Le contact des vaches réveille mon enfance et les étés que je passais en Auvergne.

2021 : Seconde bascule

Avec les élèves de terminale, on photographie, on écrit, on échange sur l’avenir de l’élevage, notre rapport à la nature et au vivant. Je délaisse le numérique, retrouve mes vieux appareils et les pellicules périmées. Je lâche aussi toute intention documentaire. Avec eux, j’expérimente et explore différentes formes de photographie.

Ironie du sort, c’est ce travail – le plus libre – qui finit par être publié par la presse (L’Empaillé, avril 2023). En parallèle, je tente d’obtenir une bourse de la BNF pour prolonger cette recherche avec les élèves. Refus net. Coup d’arrêt brutal. Le doute s’installe à nouveau.

Arno Brignon - L’estive en étude
Arno Brignon – L’estive en étude

Faute de moyens pour créer, je monte un workshop sur les estives, qui deviendra un rendez-vous annuel : 3 jours et 2 nuits dans la cabane de Subera. On grimpe avec quelques appareils, du papier, du café et de la soude pour fabriquer du révélateur. Et on redescend avec nos tirages.

C’est aussi un moyen pour moi de rester en contact avec mon sujet d’étude. C’est là que je rencontre Gilles, le vacher de l’estive. Il s’intéresse à la photo, observe notre labo de fortune sous les étoiles et se joint à nous.

En partant, je lui laisse un appareil et quelques pellicules.

Second point de bascule.

Arno Brignon - L’estive en étude (photo prise par un berger)
Arno Brignon – L’estive en étude (photo prise par un berger du projet)

Les bergers deviennent photographes

Quand je remonte à la fin de l’été, Gilles me dit : « J’aime regarder les nuages, alors t’auras beaucoup de photos de ciel. »

Arno Brignon - L’estive en étude (photo prise par un berger)
Arno Brignon – L’estive en étude (photo prise par un berger)

Tout s’éclaire en découvrant ses images. Quelques paysages pépites, mais surtout ses photos d’animaux me bluffent. On sent la proximité et la tendresse.

Arno Brignon - L’estive en étude (photo prise par un berger)
Arno Brignon – L’estive en étude (photo prise par une bergère)

Étranger de passage, je me suis laissé happer par la grandeur de la montagne, oubliant que le sujet était aussi là, dans ces visages, ces bêtes. Gilles vit ici depuis 20 ans. Son regard porte une légitimité qui me manque. Je pense aux dessins et aux récits de Jean-Marc Rochette.

L’été suivant, d’autres bergers et bergères sont intéressés par ma pratique, comme moi de la leur. Je leur confie des appareils. Gilles, Thibault, Chloé ne sont plus seulement sujets mais acteurs du projet.

Arno Brignon - L’estive en étude
Arno Brignon – L’estive en étude

On parle photo et brebis, on développe les films et soigne les bêtes ensemble. Leurs images ne se contentent pas d’enrichir un corpus, elles ouvrent une brèche, apportent une voix du dedans. Elles me sortent de mes biais, de mes poncifs.

Ainsi vient l’idée d’un livre photo

Le projet Entre les images naît ainsi, porté par le Centre de photographie de Lectoure et le CFPPA. Tous les bergers volontaires reçoivent un appareil et des pellicules. Je monte régulièrement pour développer, éditer avec eux.

Petit à petit, on façonne un carnet collectif d’estive, où se mêlent dessins, photographies, textes.

C’est là que germe l’idée d’un livre d’artiste.

J’ai en tête une forme rare et précieuse, à l’image de ces territoires. Un objet qui jouerait des pliages pour rappeler la géographie de la montagne, et des collages pour rendre visible la co-création. Il faudrait que l’on puisse distinguer leurs images des miennes, mais que l’on ressente aussi l’art en commun.

Arno Brignon - L’estive en étude (photo prise par un berger)
Arno Brignon – L’estive en étude (photo prise par une bergère)

Il y aura 41 exemplaires, comme les 41 estives du Couserans. La moitié sera colportée sur les montagnes, pour que l’ouvrage vive là où il a été créé. J’attends une réponse de la région Occitanie pour financer la production. Si elle est négative, il faudra reporter ou abandonner.

Arno Brignon - L’estive en étude
Arno Brignon – L’estive en étude

2024 : L’envie d’un film

Été 2024. Pendant que les bergers s’approprient mes techniques (appareils archaïques, films périmés, développement sauvage), je me mets à filmer avec mon smartphone.

De cette porosité naît l’envie d’un film. Rassembler nos images, nos voix, les archives. Avec le livre, cela devient mon autre obsession de l’année.

Arno Brignon - L’estive en étude
Arno Brignon – L’estive en étude

2025 : Et maintenant ?

À présent, je veux consacrer tout mon temps à l’écriture et à l’editing. Remonter une dernière fois l’été prochain, compléter les séquences manquantes, fouiller dans les archives du Muséum d’Histoire Naturelle de Toulouse et de l’Ariège.

Tout mon esprit est tourné vers ce projet. Il ne me manque que du temps ou de l’argent pour l’acheter. J’ai déposé une nouvelle demande d’aide à la création à la Direction Régionale des Affaires Culturelles, on verra.

Arno Brignon - L’estive en étude
Arno Brignon – L’estive en étude

La fin du projet est suspendue, comme souvent, aux aides. Au-delà de l’envie, de la persévérance et de l’obsession, le financement reste l’ultime bascule.

Malheureusement, la période n’est pas propice à l’espoir…

Raconte-moi une photo de ce projet

C’est l’une des premières images du projet, prise en 2020, en argentique.

Je ne me souviens plus du boîtier. Sans doute un Canon Demi EE28, un demi-format, l’un de mes appareils fétiches. Pour la pellicule, impossible à dire. J’ai une boîte où je stocke tous les films trouvés en vide-greniers ou que l’on m’a donnés. Je pioche sans trop réfléchir. Parfois, j’oublie même si j’ai chargé de la couleur ou du noir et blanc.

C’est l’un de mes premiers passages sur les estives, avec l’intention de rencontrer les bergers. Il fait gris. J’ai choisi un parcours qui traverse trois estives : Luzurs, Cazabède, Subera.

À Luzurs, je vois trois personnes en plein travail. Je n’ose pas les interrompre. Alors je passe mon chemin. À Cazabède, je croise un homme devant sa cabane. Il s’appelle Nicolas. Il me salue le premier. Ça suffit pour me donner le courage de lui parler.

La pluie commence à tomber. Il m’invite à l’abri et dit : « Ça tombe bien, j’attends justement deux agents de l’OFB. On doit aller voir une brebis morte hier, pour la constatation. » C’est la procédure en cas de suspicion de prédation. Il me propose de venir : « Mais ça grimpe et ça glisse », prévient-il.

Les agents arrivent, déjà trempés. On part aussitôt.

Il n’a pas menti. La pente est raide. On n’y voit pas à cinq mètres. J’ai l’impression d’être le boulet de l’équipe.

Sur place, ils enlèvent la peau restante sur le squelette. Pour le reste, les vautours ont fait leur travail. Le gypaète, pas encore. La tête de la bête est intacte. Presque apaisée. C’est à ce moment-là que je prends la photo.

Arno Brignon - L’estive en étude
Arno Brignon – L’estive en étude

La pluie redouble. On redescend. Dans la cabane, ils rédigent le rapport. Peu de doutes sur le coupable.

L’un des agents, Thibault, est « vacataire ours » pour l’été. Trois ans plus tard, je le recroiserai. Il sera devenu berger.

Ce jour-là, sans le savoir, j’ai posé le décor. J’étais avec les personnages qui allaient m’accompagner. L’ours, lui, demeure en filigrane. Toujours hors-champ. Je suis remonté plusieurs fois cet été-là voir Nicolas. Il a été le premier avec qui j’ai passé du temps.

L’année suivante, il est mort. Une mauvaise chute. Même pas en montagne. Chez lui, au printemps. Cette image de mort est restée.

Comme un présage.

Comme un hommage.

Comme une métaphore de sa disparition.

Partie II : Les goûts et les inspirations d’Arno Brignon

Un album que tu as beaucoup écouté

La musique est omniprésente. Et pourtant, je serais bien incapable de sortir un album du lot, tant ils sont nombreux à avoir jalonné ma vie.

Ce qui est sûr, c’est qu’avec les plateformes, j’écoute plus de morceaux isolés et moins d’albums. C’est un tort. Car, comme dans un livre photo, une narration se dessine dans l’enchaînement des titres, justifiant les temps faibles comme les temps forts.

D’après Deezer, ces derniers mois, j’ai beaucoup écouté :

Dans mon travail, certains morceaux deviennent indissociables d’une série. Je les écoute en boucle pendant l’editing. Ils lui donnent en quelque sorte un rythme invisible.

Il y a eu par exemple :

  • « Jimmy » de Moriarty pour Based on a true Story
  • « One » (reprise par Johnny Cash) pour Us
  • « Oiseau » de Laurent Bardainne pour Les voyages de Charcot-Spanel
  • « Walkyrie » d’Irène Drésel pour Au contact

Un roman qui a éveillé quelque chose en toi

Le Seigneur des anneaux (1954) de Tolkien.

Je l’ai lu en 5ᵉ ou 4ᵉ. À l’époque, le roman n’a pas encore connu le succès que lui vaudra le film. C’était une œuvre reconnue mais peu lue en France, seulement réservée aux amateurs de fantasy ou aux joueurs de jeux de rôle – ce que j’étais.

Les trois tomes, plus de 700 pages chacun, auraient pu me décourager. Pourtant, je me souviens les avoir avalés d’une traite. Arpenter la Terre du Milieu avec Frodo a été mon premier grand voyage.

Ce n’est que récemment que j’ai fait le lien entre cette lecture et mon travail photographique. Une nouvelle traduction venait de paraître, et, par curiosité, je me suis replongé dedans, comme une madeleine de Proust.

Mais c’est une expérience complètement différente, 35 ans après la première. Je redécouvre le livre comme une sorte de précis de géographie, qui flirterait parfois avec les textes du géographe Élisée Reclus. Une ode au merveilleux. Deux éléments fondamentaux dans ma pratique.

Aujourd’hui, ce n’est plus tant l’aventure qui me transporte que la description du monde, le rapport au vivant, et la crainte de sa disparition. Les Elfes deviennent des protecteurs de la nature, et je rêve de voir des Ents – ces créatures arbres – s’élever sur le chantier de l’A69.

Je comprends mieux aujourd’hui à quel point Tolkien a infusé mon imaginaire. Et, de fait, ma photographie.

Un film dont tu te sens proche

Mulholland Drive (2001) de David Lynch.

Je suis allé voir ce film à sa sortie. Je ne connaissais pas vraiment Lynch. J’étais seul. Et quand je suis sorti de la salle, j’étais une autre personne.

Comme tout le monde, je n’ai rien compris à l’histoire. Mais les images m’ont durablement imprégné. Leur poésie me hante encore.

Je me demande si ce film n’a pas été le déclencheur de mon envie de devenir photographe. Je me suis inscrit à mon premier cours quelques mois plus tard.

Où trouves-tu l’inspiration ?

Je voyage.

Qu’ils soient réels ou offerts par la bande dessinée, la littérature ou le cinéma, les voyages sont au cœur de mon imaginaire.

Depuis mes premières lectures de Stevenson ou Jack London, je rêve d’aventure. J’ai toujours eu soif de départ plus que de destination. J’aurais voulu que ma vie se confonde avec les bandes dessinées d’Hugo Pratt.

Et si voyager permet de s’inventer un personnage, le mien sera photographe.

Les résidences m’offrent le hasard des territoires, l’obligation du déplacement. C’est pour cela qu’elles jalonnent autant mon parcours.

Dans mes explorations naissent des rencontres, des liens éternels, presque fraternels, sertis de promesses de retrouvailles trop rarement tenues. Mais la sincérité reste intacte.

Partir est une douleur. Revenir, une autre.

À chaque voyage, j’ai la sensation d’un rituel chamanique. En foulant ces lieux, j’en absorbe une part de l’âme. Et j’y laisse une part de la mienne.

L’argentique agit comme un catalyseur de cette magie. Outil essentiel à la perte de contrôle. Le hasard, ou l’accident, est autant un allié du voyage que de la création.

J’aime ces lieux où l’on doit gagner sa place. Flirter avec la légitimité à être là : voilà mon exploration.

Les photographes qui t’inspirent

J’ai appris la photographie en fouinant dans la bibliothèque du Château d’Eau à Toulouse. Aujourd’hui encore, les livres, les expositions, et même internet, restent pour moi des sources de découvertes.

Certains de mes premiers amours ont fané avec le temps, m’ont lassé. D’autres sont apparus, plus ou moins vaillants. J’ai quelques maîtres qui tournent encore dans ma tête, mais si je ne devais garder qu’un nom, ce serait, sans hésiter, Dolorès Marat.

Dolorès Marat

J’ai l’impression de la connaître depuis toujours. Mais c’est en 2012, lors de son exposition aux ateliers de photographie de Saint-Cyprien, à Toulouse, que j’ai vraiment découvert son travail. J’étais ébahi devant ces instants – saisis dans un café ou un zoo – qui devenaient pure poésie.

Dolorès Marat a ce pouvoir étrange : fissurer le réel pour nous emmener ailleurs. Un monde trouble, beau, inquiétant, intemporel, rassurant, magique. Toutes les émotions de l’enfance (et au-delà) semblent se nicher dans ses images. Comme dans un conte.

Et puis, il y a la beauté de ses tirages. Jamais trop grands, jamais trop clinquants. L’écrin du Fresson s’impose comme une évidence. C’est à ce moment-là que je l’ai rencontrée.

Je l’ai recroisée, des années plus tard, à Zone i. Dans la vie comme dans ses images, elle semble suivre cette ligne ténue entre réel et imaginaire. Elle n’échappe pas aux monstres, non. Mais elle sait les apprivoiser, les tenir à distance, avec une forme d’enchantement dont elle a le secret. L’écouter est toujours un plaisir.

Pour moi, c’est une des plus grandes photographes. Et je suis heureux qu’elle soit enfin reconnue comme telle. Même si je regrette qu’aucune grande rétrospective, dans un lieu à la hauteur de son œuvre, ne soit encore venue couronner son talent.

La bande à Nono

Dans mes inspirations, il y a aussi une bande de photographes, une sorte de famille qui s’agrandit avec le temps. Ce sont ceux qui m’accompagnent au quotidien.

C’est important d’avoir confiance dans le regard d’un autre. Un regard qui n’est pas toujours complaisant. C’est important, parfois, de rassurer comme d’être rassuré dans les creux de nos vies en dents de scie. C’est important de ne pas être seul.

Entre nous, on se montre nos projets pas encore aboutis, ceux terminés, ceux avortés. C’est précieux de suivre les fils de la construction du travail d’un autre. À force d’échanger, à force de faire ensemble, on invente des espaces de porosité entre nos pratiques.

Et si j’y réfléchis bien, c’est peut-être là, dans cette famille, que je viens puiser mon inspiration aujourd’hui.

On y trouve : Gabrielle Duplantier, Gilles Roudière, Mathieu Farcy, Lilie Pinot, Tilby Vattard, David Ameye, Martin Bogren, Anne Desplantez, Gaël Bonnefon, Cédric Friggeri, Rodrigo Gomez Rovira, Julien Coquentin, et d’autres.

Gabrielle Duplantier - Sète - Livia
Gabrielle Duplantier – Sète – Livia

➔ Pour aller plus loin :

Julien Coquentin - Oreille coupée
Julien Coquentin – Oreille coupée

➔ Pour aller plus loin :

Un livre photo sur lequel tu reviens souvent

Distress (2011) de Stéphane Duroy.

Un livre court : 48 pages, 21 photos, un texte de Simone Weil, un autre de Duroy. Et pourtant, ça suffit à décrire la condition humaine.

Stéphane Duroy - Distress
Stéphane Duroy – Distress

Rien ne manque. On tourne les pages et on assiste à la perdition de notre espèce, avec justesse, sans emphase.

Les photos, pourtant très différentes dans leur forme, s’enchaînent idéalement. Elles tissent un récit glaçant, mais sans pathos, sur l’Angleterre des années Thatcher. Comme Dickens en son temps, Duroy dresse un constat sévère des dégâts du capitalisme.

J’admire son exigence dans l’editing. Une sélection au cordeau. Pas de gras. Pas d’effet. C’est sec, précis. Des images bien ancrées dans le réel, loin de l’anecdote. Des images qui marquent. Qui font penser.

Au début du livre, il y a cette image de trois hommes accoudés au bar.

Stéphane Duroy - Distress
Stéphane Duroy – Distress

Je me suis toujours demandé si elle avait un lien avec celle de la page précédente, où l’on assiste à un enterrement.

Stéphane Duroy - Distress
Stéphane Duroy – Distress

Et puis combien d’histoires je me suis inventé en regardant celle de l’homme au foulard rouge dans la casse auto, celle de la famille, ou celle des enfants qui rient au côté d’un soldat couché.

Je n’ai pas les réponses. Et je ne suis même pas sûr de les vouloir.
Ce livre raconte notre Histoire avec un grand H, mais aussi tant d’histoires possibles, qui pourraient être les nôtres.

J’ai un seul regret : ne pas avoir acheté L’Europe du silence (2000) avant qu’il ne soit épuisé.

Partie III : Le processus créatif d’Arno Brignon

Qu’est-ce qui vient en premier chez toi : l’idée d’un projet ou bien des photos individuelles qui suggèrent un concept ?

C’est souvent le territoire qui vient en premier dans mes histoires. Le « pourquoi » et le « comment » viennent après. Mes projets commencent toujours par une envie de partir.

Pourtant, les endroits où je vais ne sont pas forcément ceux qui m’attirent le plus. Parfois même, c’est l’inverse. Les lieux s’imposent souvent à moi, par un appel à résidence, une commande ou une opportunité de bourse.

Mais j’aime cette idée de destination non choisie. Elle va avec mon désir d’exploration. Et puis, j’ai besoin d’un élan pour démarrer. Je ne sais pas partir d’une feuille blanche.

Le fond et la forme viennent dans un second temps. Une fois le territoire déterminé, je fais quelques recherches, mais surtout, je me laisse porter par l’imaginaire que je projette sur le lieu.

Mes expérimentations et mes questions du moment viennent compléter la démarche. Certaines obsessions reviennent d’un voyage à l’autre : l’intime, la famille, le rapport des habitants à leur géographie.

Il est rare qu’une photographie soit le point de départ d’un projet,
même si, pour Estive en étude, je peux presque dire que c’est le cas.

Il m’arrive souvent de ne voir aucune image avant la fin du temps de prise de vue. Pour Au contact ou Les Doutes, par exemple, j’ai développé toutes les pellicules en une fois, à mon retour.

Arno Brignon - Au contact
Arno Brignon – Au contact

Quels éléments clés doivent être présents lorsque tu crées un projet photo ?

Au-delà du plaisir de l’aventure, c’est souvent le besoin de répondre à une question qui déclenche un projet. Cette question peut être intime – comme dans Us -, plus politique – comme dans Les Doutes -, ou plus photographique – comme dans Au contact.

Chaque série est pour moi une forme d’introspection, une recherche qui se construit comme une enquête sur un territoire. Même si cela ne transparaît pas toujours dans les images, je multiplie les rencontres et les entretiens avec les acteurs locaux. Ces échanges nourrissent ma réflexion et structurent mes déplacements. Mon approche est finalement assez documentaire, malgré une écriture photographique qui ne l’est pas forcément.

À la fin d’un sujet, comme à la fin d’un voyage, j’aime l’idée d’être différent. D’avoir évolué, appris, créé de nouveaux liens. D’avoir grandi.

Comment considères-tu la création d’un projet qui fait sens par rapport à la réalisation d’une grande photo individuelle ?

Je ne travaille pas du tout dans l’idée de produire des images uniques. Même si, avec le temps, certains clichés prennent cette place.
Comme pour un album de musique, une photo peut devenir un « tube », mais pour moi, le sens naît de la narration, du rythme, du contexte. Tout ce qui ne peut se résumer à une seule image.

Pour moi, l’editing est un moment de création aussi important que celui de la prise de vue. C’est le temps de la pensée, alors que celui des photos est porté par l’instinct, l’intuition, l’émotion.

Il m’arrive souvent d’écarter de « bonnes » photos au profit d’images plus faibles… si elles racontent mieux l’histoire.

Quelle relation entretiens-tu avec le concept de beauté en photographie ?

La beauté est une notion très relative. Elle change d’une personne à l’autre, d’une culture à l’autre, et même pour soi, elle évolue avec le temps.

Évidemment, je cherche à faire de « belles » photos. Mais surtout des images qui, au-delà de l’esthétique, racontent quelque chose. Qui convoquent le merveilleux. Qui provoquent une émotion.

As-tu ce que l’on appelle un « style photographique » ?

On me parle souvent du flou dans mes photos. Je me souviens de Caroline Benichou, lors de l’exposition Eyes Wild Open à Bruxelles, qui parlait de « photographie tremblante ». J’aime bien cette idée. Elle fait le lien entre la forme et une intention : celle d’un regard guidé – parfois submergé – par l’émotion.

Je ne sais pas si j’ai un style. Mais j’ai le sentiment de m’inscrire dans cette lignée de photographes pour qui la poésie visuelle est une forme d’expression. Une façon de raconter le monde.

L’argentique, l’expérimentation, le hasard ont toujours été mes fondements. Avec les années, mon écriture s’est affinée, affirmée, enrichie.

Je me souviens que, sur mes premières séries (par exemple Free doors to Spain), je ne photographiais qu’en noir et blanc, et toujours à l’horizontale.

Arno Brignon - Free doors to Spain
Arno Brignon – Free doors to Spain

Puis ce fut l’inverse : uniquement en couleur, toujours avec la même pellicule, en traitement croisé. Comme si j’avais besoin de « faire mes gammes. »

C’est avec Based on a true story que j’ai commencé à tout mélanger : couleur et noir et blanc, les formats, les appareils. Ce grand méli-mélo est presque devenu avec le temps une marque de fabrique. Une façon de faire qui m’apporte toujours des surprises et du renouvellement.

Comment définirais-tu ton approche sur un continuum qui irait de complètement intuitif à intellectuellement formulé ?

En fait, tout dépend du moment où je me situe dans la création.

Au début d’un projet, comme je l’ai dit plus haut, il y a un mélange d’intuition et de réflexion. L’intuition d’un lieu. Puis une réflexion sur ce que j’y fais.

La prise de vue, elle, est très spontanée. Complètement intuitive.
C’est un temps où l’émotion surpasse toute pensée.

L’editing, lui, reste guidé en partie par l’intuition, mais c’est surtout le moment de la pensée dans ma démarche.

Et puis il y a le tirage, ou la postproduction. Même si un peu de hasard vient parfois s’y glisser, on est ici sur des intentions assez préétablies.

Comment définirais-tu ta photographie sur un continuum qui irait de document scientifique à poésie abstraite ?

Instinctivement, j’aurais envie de dire que la poésie est mon unique ligne directrice. Mais si je regarde bien, je me rends compte qu’il y a une part scientifique importante dans mon travail.

La géographie en premier lieu. Même si, à la manière d’Élisée Reclus, elle se mêle à la poésie. Le lien entre les habitants et leur territoire, et l’influence réciproque qu’ils exercent, c’est souvent ce que je cherche à explorer. La notion d’une région comme « espace vécu », telle que définie par Armand Fremont, se rapproche énormément de mes recherches photographiques.

Et puis, la physique et la chimie occupent une place cruciale dans mon processus de création et d’expérimentation. Cela a commencé par la fabrication ou la modification d’appareils, et avec le temps, le travail en laboratoire est devenu de plus en plus essentiel dans ma pratique.

C’est amusant, car ce sont des matières que je n’aimais pas vraiment à l’école. Contrairement à la littérature qui demeure celle qui exerce la plus grande influence sur mon travail photographique.

En supposant que tu photographies aujourd’hui avec ce que tu considères comme ta voix naturelle, as-tu déjà souhaité que ta voix soit différente ?

Mon désir d’expérimentation est sûrement une manière d’explorer d’autres façons de faire, de m’ouvrir à d’autres voies. Parfois, cela reste un à-côté, mais d’autres fois, c’est une nouvelle piste qui s’inscrit durablement dans mon travail.

En tout cas, j’aime bien cette idée de sortir du seul champ photographique. L’écriture qui est un moyen d’expression récent pour moi, fait de plus en plus partie de mes projets. Comme la musique.

Si j’ai un regret, c’est peut-être celui de ne pas savoir dessiner ou peindre. Mais c’est sûrement pour cela que ma photographie se rapproche parfois de la peinture.

Que fais-tu lorsque tu doutes ou tu te sens bloqué sur le plan créatif ?

Je pars marcher, seul.

Mais c’est aussi dans les ateliers, les médiations que j’anime, que les choses se débloquent parfois. Ce sont des moments où j’expérimente, avec d’autres personnes, une nouvelle technique ou une idée qui commence à germer.

Faire ensemble, échanger, permet aux idées d’émerger.

Et marcher, à la pensée de se construire.

C’est un bon duo quand je suis en panne. Une façon de remettre le corps et l’esprit en mouvement.

Comment sais-tu qu’un projet photo est terminé ?

C’est une question que je ne parviens pas tout à fait à résoudre.

Il me faut une limite : la fin d’une résidence, d’un livre, d’une exposition. Sinon, je crois que je n’arrêterais jamais. J’ai toujours envie d’aller plus loin, de comprendre davantage, de rester encore un peu.

Aujourd’hui, je me demande même si je ne vais pas déconstruire certaines séries, lier les images autrement.

Au fond, est-ce qu’il n’y aurait pas une seule obsession qui traverse tout un parcours ?

Ce n’est pas toujours facile de la nommer.

Alors, en attendant, j’avance à petits pas.

Par territoires.

Par séries.

Pour aller plus loin

Voici quelques liens supplémentaires pour découvrir Arno Brignon et son travail.

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  • Suivre son Instagram en cliquant sur sa tête
©Trigone

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Poursuivez la lecture avec une autre entrevue : Dans la tête d’Aglaé Bory

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3 réponses sur « Dans la tête d’Arno Brignon »

Merci pour tous ces entretiens de photographes, avec de grands écarts entre le photoreportage et l’image dite « plasticienne ».

Quant à ce sujet pastoral, que je traite aussi depuis 5 ans en suivant un éleveur-berger lors de ses transhumances avec 3000 moutons, je note une approche de l’auteur terriblement différente de mon parcours. Il cherche à être aidé pour ses projets visuels. Pour ma part, je ne demande surtout rien à personne du côté « dit » culturel.

D’ailleurs, c’est un biais que j’ai supprimé.

Il ne me manque qu’un seul atout : celui d’un commanditaire privé, un vrai éditeur qui serait demandeur — donc, financeur — pour que le projet soit exposé, édité : l’ultime dénouement d’une obsession.
Ce qui me paraît logique, comme ce le fut durant mes trente années de profession en tant que photographe.

Je suis impressionné par ses recherches de lui-même, en tant que créatif reconnu par une tribu. Cela se confirme dans sa conclusion : « Dans mes inspirations, il y a aussi une bande de photographes, une sorte de famille…/… Et si j’y réfléchis bien, c’est peut-être là, dans cette famille, que je viens puiser mon inspiration aujourd’hui. »

Mon indépendance assumée vacille un peu… puis non : je continue ma vie d’observations photographiques.

Bref, excellent article, comme les précédents. Respect à tous, et gardez la santé.

Merci Antoine pour ce bel article.

Les choix esthétiques proches de la peinture (par exemple le projet Us et le port « bleu ») me parlent énormément.

Je suis d’ailleurs assez fasciné par le lâcher-prise imposé par le choix du photographe de travailler à partir de pellicules argentiques périmées.

Le hasard, l’aléatoire technique et la non maîtrise de ce qui en ressortira m’évoquent une peur de l’échec assez paralysante. Alors que pour Arno, il s’agit d’un saut dans l’inconnu assumé qui au final, lui donne une signature et une démarche cohérente.

Chapeau et bonne continuation.

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