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Photographie documentaire

Victor d’Allant : Workshop avec Antoine d’Agata (1/3)

J’ai rencontré Victor d’Allant au moment de la sortie de son premier livre Tulsa, OK dans lequel il revisite la ville américaine de Tulsa, 50 ans après Larry Clark. Dans ce premier article, nous retrouvons Victor à Bangkok pour un workshop avec Antoine d’Agata, quelques semaines avant le début de son projet.

Temps de lecture : 13 min

Introduction : Je me fais des films

Tout commence sur Instagram le vendredi 21 avril 2021.

Je discute avec un certain Victor d’Allant, un français exilé à San Francisco. On parle photo, de mon blog et de son premier livre qui sort dans quelques semaines. J’en vois le bout, dit-il, il ne reste qu’à imprimer la couverture et faire la reliure.

J’ai lu ton article sur Nan Goldin. Vraiment très bien ! Et c’est vrai ce que tu dis en conclusion, elle a beaucoup influencé Antoine d’Agata – il me l’a dit quand je l’ai rencontré à Bangkok. Quoi ? T’as rencontré Antoine d’Agata ? Il est comment en vrai ? Extrême. Je te raconterai de vive voix quand je viendrai à Paris.

J’ai reçu les premiers exemplaires de mon livre, dit-il, c’est très émouvant. Tu es dispo samedi prochain ? Je suis rue Oberkampf dans le 11ème arrondissement mais je peux me déplacer. Ça me va bien Oberkampf, je suis pas loin, Gare du Nord.

Le plus simple, dit-il, c’est qu’on se retrouve à 16 heures chez moi. Chez toi ? Hum, ok. Mon coeur, je file, dis-je à ma compagne. Tu me rejoins après mon rendez-vous ? Je connais un bar parfait pour s’encanailler. Commence à t’inquiéter si je ne suis pas là à 18h30 lol.

Arrivé devant la porte d’entrée, je saisis le digicode et patiente dans une cour arborée. Dis donc, ces buissons sont vachement touffus. On pourrait s’y cacher un long moment avant d’être découvert.

Victor descend.

Il présente bien. Des lunettes à monture transparente apportent une touche de fantaisie à un visage admirablement normal. L’homme est plus gringalet que moi, ce qui me donnerait un avantage évident en cas de lutte.

Je découvre un deux-pièces étonnamment vide. Quelques fruits et un verre d’eau posés sur le bar de la kitchenette constituent les seules traces de vie. Pour me donner une certaine contenance, je fais mine d’examiner l’appartement, comme si j’étais venu pour le louer.

C’est très calme ici, dis-je, en jetant un coup d’oeil laser au mini-salon. Rien, excepté une petite table et deux chaises. Et là c’est la chambre j’suppose ? Oui, oui, mais on ne peut pas entrer. Qu’est-ce qu’il planque !?

Tu peux t’installer sur cette chaise, dit-il, visiblement conscient d’avoir les cartes en main. Sans solution, j’obéis. Tu veux un verre d’eau ? propose-t-il, comme s’il déroulait un plan prévu d’avance.

Il s’assoit face à moi. Il me sourit – si c’était un ami je le croirais sincère. D’un coup, il se retourne et saisit un truc derrière. Ça y est, je suis foutu !

Tiens, voici un exemplaire de mon livre. Je vais tout te raconter. Comment j’ai rencontré Antoine d’Agata (article 1). Comment j’ai photographié la ville de Tulsa (article 2). Comment j’ai conçu mon premier livre (article 3).

Workshop avec Antoine d’Agata : J-1

Lundi 27 novembre 2017, Bangkok, capitale de la Thaïlande.

Capitale des embouteillages, marmonne Victor dans le taxi qui le mène au ralenti à son hôtel.

Coincé dans un taxi

Il inspire à pleins poumons tandis que le véhicule s’immobilise. Relax ! Il ne changera pas ce qu’il ne contrôle pas de toute façon. Y a juste à accepter.

Pourtant, il aurait des raisons de se plaindre. Entre les 24 heures d’avion, la chaleur étouffante et maintenant les bouchons, il est pour ainsi dire essoré.

Le monde est tel qu’il est, décevant et imparfait, et vouloir que le monde soit sans défauts, c’est vouloir que le monde ne soit pas le monde. Ce qui n’a aucun sens.

Sans se presser, le taxi arrive à destination.

Quartier de Pathum Wan

Le quartier de Pathum Wan donne le vertige avec ses centres commerciaux ultra-modernes reliés par des métros aériens et des couches de passerelles.

Victor accède à son hôtel. La chambre offre une vue dévorée par une tour pas tout à fait finie.

© Victor d’Allant – Vue de la chambre d’hôtel – 27 novembre 2017

Ça fait près d’un an que Victor a repris la photo. Il n’a pas peur de dire qu’il a besoin d’aide. Il veut savoir où il va. C’est pour cela qu’il est là. C’est pour cela qu’il a choisi Antoine d’Agata.

Qui est Antoine d’Agata ?

À la fin des années 1990, Antoine d’Agata se fait connaître en ramenant des coins les plus sombres du monde une collection de photos de ses nuits.

Les gens qu’il côtoie sont à la marge de la société. Prostituées, dealers, drogués. Souvent les trois à la fois. Il est solidaire de ces personnes.

© Antoine d’Agata – San Salvador – 1998

Faut dire que d’Agata se considère comme l’un d’entre eux.

Il fréquente ces prostituées.

Et il se drogue.

Il met en scène son intimité de sorte que la frontière entre l’art et la vie se confondent.

© Antoine d’Agata

Selon d’Agata, ses images sont aussi politiques.

Elles montrent les gens sur qui la violence de la société s’exerce le plus. La nuit, une autre violence existe, celle que les individus s’infligent à eux-mêmes, comme une réaction à la violence qui leur est faite.

© Antoine d’Agata – Phnom Penh, Cambodge – 2008

Voilà en quelques mots qui est Antoine d’Agata, photographe de la vacuité, des troubles, de la colère et du désespoir.

© Antoine d’Agata – Guatemala – 1998

Victor pense qu’il a quelque chose à lui apporter.

Enfin, il verra demain.

Pour l’heure, il est crevé, il va se coucher.

Qui est Victor d’Allant ?

Le workshop a lieu dans le centre d’art contemporain de Bangkok.

Le bâtiment répond à l’exigence de modernité qu’impose ce type de lieu. Il est autant un présentoir pour oeuvres d’art qu’une oeuvre d’art en soi.

Bangkok Art and Culture Centre

Dans une salle attenante, la quinzaine de participants s’installent autour d’une table ronde. Chacun se présente et explique ce qu’il attend des cinq prochains jours.

C’est au tour de Victor.

Son histoire commence dans les années 1980, sur les bancs de la Sorbonne à Paris.

Victor étudie l’ethnologie. C’est l’étude du fonctionnement des groupes humains.

En pratique, un ethnologue s’immerge dans un groupe humain particulier. Il l’étudie en observant et en discutant avec les gens de manière informelle. Plus il vit avec le groupe, plus il en comprend le fonctionnement et en saisit sa complexité.

Photographier les malades mentaux en Inde

À côté des cours, Victor se passionne pour le photojournalisme. Il voyage à travers le monde, toujours léger, avec son Leica M4 et un objectif 35 mm.

© Victor d’Allant – Bombay, Inde – Années 1980

C’est ainsi qu’il se retrouve en Inde pour l’OMS, l’Organisation Mondiale de la Santé. Il obtient l’autorisation de photographier dans un des plus grands hôpitaux psychiatriques d’Asie.

3 000 patients sont enfermés.

Des hommes.

© Victor d’Allant – Inde – Années 1980

Des femmes.

© Victor d’Allant – Inde – Années 1980

Et des enfants.

© Victor d’Allant – Inde – Années 1980

Les êtres humains, traités comme des animaux, sont réunis dans un lieu qui ressemble plus à une prison qu’à un hôpital. Entre le surpeuplement et le manque d’hygiène, tous les patients souffrent.

Pour les femmes c’est pire. En Inde, c’est toujours pire pour les femmes. Aux sévices physiques pour tous s’ajoutent les violences sexuelles pour elles.

Bienvenue en Enfer.

© Victor d’Allant – Inde – Années 1980
© Victor d’Allant – Inde – Années 1980
© Victor d’Allant – Inde – Années 1980

De retour en France, Victor voit son reportage publié dans plusieurs magazines. Ses photos sont même exposées au Musée d’Art Moderne de Paris.

Tout irait bien s’il pouvait stopper ces pensées qui popent dans la tête :

Pourquoi ai-je l’impression de tourner en rond ? Et si au fond je faisais toujours la même photo ? Qu’est-ce que je vais faire à présent ? La même chose pendant 40 ou 50 ans ?

Je vais me flinguer demain.

Les semaines passent et l’angoisse ne descend pas :

Je ne suis pas en train d’inventer un nouveau langage visuel, je le sais ça ! Jamais je ne laisserai d’héritage photographique !

Alors ça va être ça ma vie ? Être un photographe moyen. Fauché, comme tout photographe moyen. Je vais être déprimé et fauché.

La vie ne va pas être drôle.

Puis, il craque.

Il range son Leica au placard. Littéralement. Sous les fringues. Il n’en veut plus. Fini. Il arrête la photo du jour au lendemain. Sa copine et ses amis hallucinent parce que c’était toute sa vie. Il ne pensait qu’à ça.

Il a 26 ans.

Il ne termine même pas son doctorat et décide de quitter la France.

Direction l’Amérique pour une année de réflexion.

Il n’a pas la moindre idée de ce qu’il va faire.

Travailler dans la Silicon Valley

Arrivé à San Francisco, il s’intègre. Des petits boulots par-ci par-là. Il en profite pour apprendre l’anglais. L’année passe et la vie en Californie lui va bien.

Il reprend ses études et troque sa casquette d’ethnologue pour celle de businessman en intégrant l’Université de Berkeley, dont il sort diplômé en 1987.

Il bosse d’abord pour la presse écrite et des magazines comme Reader’s Digest et Selection. Pas du tout comme journaliste. Il s’occupe de la publicité et des partenariats.

À la fin des années 1990, il vit à New York et travaille pour Newsweek. Tout le monde parle d’une nouvelle technologie qui émerge. Internet.

Victor discute avec un type du magazine :

Ce truc-là, Internet, ça a du potentiel. Peut-être qu’un jour les gens vont lire Newsweek de cette façon.

Le gars lui répond :

Mais nan, c’est pas possible !

(Il saisit un exemplaire du magazine) Tu vois ça, tu peux l’amener aux chiottes. C’est pratique. Ton ordi, essaie toujours.

Bien sûr, il ne sait pas qu’Internet deviendra ce qu’il est devenu mais il prend le risque de suivre son intuition. Dans la foulée, il démissionne et revient à San Francisco, là où les choses se passent.

Il se lance dans l’entrepreneuriat social. D’abord en tant que salarié, puis au sein de sa propre entreprise Dallant Networks, qu’il crée avec sa fille Joséphine.

Leurs clients sont des grandes institutions comme la Fondation Bill et Melinda Gates ou la Banque Mondiale.

Pour faire simple, leur but est de connecter des personnes qui veulent résoudre les plus grands problèmes du monde, sans prendre l’avion ni se réunir autour d’une table.

Par exemple, pour la Fondation Ford, ils organisent des débats en ligne avec plus de 10 000 participants, lors de la première conférence mondiale sur la réduction de la pauvreté urbaine.

À l’époque c’est très novateur. Du coup ça cartonne. La boîte grandit vite. Elle compte jusqu’à 25 employés.

Tout va bien jusqu’en 2015. Badaboum, du jour au lendemain, l’entreprise perd tous ses clients, sans raison apparente.

Pas de clients, pas de revenus.

Victor doit se réinventer.

Paris, USA

Rien de tel qu’une année sabbatique pour s’oxygéner l’esprit et faire un point sur sa vie. Surtout quand ton entreprise t’a laissé un matelas confortable pour vivre. Victor passe ainsi une partie de 2016 à gravir les plus hautes montagnes du monde.

À la fin de l’année, la descente est raide.

Donald Trump président, t’y crois toi ? Qu’est-ce que tu vas faire ? Te plaindre sur Twitter ? Hurler en haut d’un sommet ? Te rouler en boule et attendre ? Quitter l’Amérique ?

Victor veut comprendre pourquoi les États-Unis ont choisi Trump. Sans doute le moment est-il venu pour lui de retrouver son premier amour.

La photographie.

Sans appareil, ce n’est pas évident. Un copain lui prête un Nikon. Ouais, bof. Un Canon. Mouais. Il lui prête son vieux Leica M6, un vieil argentique. Ah, là c’est bien. Il n’est pas snob, c’est juste qu’il n’arrivait pas à voir avec les autres appareils.

Victor se rend au Leica Store de San Francisco et s’adresse à un vendeur :

Qu’est-ce qui se vend comme appareils en ce moment ?

Le type lui montre le modèle Q. Victor le prend en main. Le bon poids, la bonne taille. Je le prends !

Attention, on ne peut pas changer l’objectif. C’est un grand angle, un 28 mm.

Parfait !

Victor décide de documenter les petites villes de l’Amérique grâce auxquelles Trump a été élu.

Mais où aller ?

Il se renseigne sur les projets similaires. Depuis 2013, Matt Black de l’agence Magnum a choisi de se rendre dans les 100 villes les plus pauvres des États-Unis.

Victor bloque.

La solution arrive pendant une douche providentielle. Et si je m’inspirais du marketing direct ? Dans le marketing direct, on cible. On préférera par exemple contacter les personnes avec un nom de famille de 5 lettres plutôt que tout le monde.

Et là, Victor pense à Paris. Évidemment, il connaît Paris, Texas, le film de Wim Wenders. Il découvre que 20 autres villes américaines portent le nom de Paris.

Cet artifice marketing permettrait également de présenter plus facilement le projet à des magazines, se dit-il, plutôt qu’un énième reportage sur la misère aux États-Unis.

© Victor d’Allant – Paris, Texas

Malgré tout, l’astuce a des limites. C’est dur d’éviter les clichés pour montrer que la photo a été prise à Paris.

© Victor d’Allant – Paris, Missouri

C’est difficile d’en montrer davantage. Le manque d’espoir, la drogue, l’obésité… Et le racisme que constate Victor à Paris, Kentucky, dès qu’il s’éloigne des terrains de sport.

© Victor d’Allant – Paris, Kentucky

Le reportage Paris, USA sera publié dans le magazine Géo en novembre 2018 et exposé sur les grilles de l’Hôtel de Ville de Paris, du 15 février au 1er avril 2022.

Victor d’Allant – Paris, Missouri

Merci Victor pour ta courte présentation, finit par dire Antoine d’Agata.

Le workshop se poursuit

Un des participants l’interpelle :

Victor, je préfère largement ton travail en noir et blanc sur les hôpitaux psychiatriques plutôt que ce que tu fais maintenant.

Victor entend la critique. Antoine d’Agata intervient :

Je ne suis pas d’accord. Je pense exactement le contraire. Victor se renouvelle. Son travail actuel est intéressant. Il va continuer à creuser et aller plus loin.

Les échanges se poursuivent jusqu’à ce que tout le monde soit crevé. Il est 18 heures, Antoine d’Agata prend alors la parole :

Maintenant, place à la pratique. Vous avez toute la nuit pour me préparer chacun une série cohérente d’une vingtaine d’images.

On se retrouve demain à 9h.

Première nuit

Tous les visages expriment la même incrédulité – habituellement, on dort la nuit. Pas toi Antoine ?

© Victor d’Allant – Antoine d’Agata – Workshop à Hong Kong

Victor se rend dans un quartier de la ville et commence par photographier des scènes de rue. Il n’est pas très à l’aise. Malgré tout, la série qu’il présente le lendemain est à peu près correcte.

© Victor d’Allant – Bangkok – 28 novembre 2017
© Victor d’Allant – Bangkok – 28 novembre 2017

La seconde nuit, il rame davantage. Il piétine. Il panique. C’est presque de la souffrance. Résultat des courses, moins bon, beaucoup moins bon.

La photo de rue, ce n’est vraiment pas son truc.

Au matin du troisième jour, trois participants ont abandonné. La dizaine de survivants affichent la même sale tête. Parmi eux, Victor. Sa journée est rythmée par les encouragements d’Antoine :

Victor, c’est complètement nul ça !

Victor, tu peux mieux faire.

Victor, t’es paresseux.

Victor, tu te fous du monde là ?

Bon, on se retrouve demain à 9h.

Troisième nuit

Victor sait qu’il fait fausse route. Il analyse calmement la situation.

J’aime photographier les personnes avec qui je peux échanger. Une fois le contact créé, je sais mettre les gens en confiance. C’est ma plus grande force.

Problème : je ne connais pas la ville, je ne parle pas la langue.

Il faut que je trouve des personnes qui soient à la fois abordables et avec qui je peux communiquer.

Les prostituées africaines, évidemment !

Elles parlent français si elles viennent d’Afrique de l’Ouest et anglais si elles viennent d’Afrique de l’Est.

Problème résolu !

Victor retrouve ses repères, il revit. Bonsoir, comment vous appelez-vous ? Enchanté Aisha, moi c’est Victor. J’aimerais faire un portrait de vous. Et je vous paie, bien sûr, je sais que c’est du temps pendant lequel vous ne gagnerez pas d’argent.

© Victor d’Allant – Aisha – Bangkok – 30 novembre 2017

Le lendemain, il est ravi de présenter sa dernière série. Lorsqu’apparaît la photo d’Aisha concentrée sur son smartphone, Antoine d’Agata intervient :

Victor, tu nous emmerdes ! Si tu veux travailler pour le National Geographic, dis-le tout de suite. Mais là, c’est pas du tout intéressant.

Tout le monde se regarde – euh, on aimerait bien travailler pour le National Geographic

Antoine d’Agata ajoute :

Je crois que tu peux aller plus loin dans le côté déjanté.

Bon, on se retrouve demain à 9h.

Quatrième nuit

Victor poursuit son reportage sur les prostituées africaines. Il rencontre Pauline, une ougandaise, très drôle, qu’il amène à son hôtel pour une série de portraits.

© Victor d’Allant – Pauline

Il lui vient l’idée de jouer avec la photo d’Antoine d’Agata qu’il a faite au début du workshop.

© Victor d’Allant – Pauline (et Antoine d’Agata)

Je vais tenter un truc. Tu peux tenir mon iPad ?

© Victor d’Allant – Pauline (et Antoine d’Agata)

Il est tard et j’ai encore un peu de boulot. Tiens, et voici pour le taxi. Bonne nuit, Pauline.

Elle repart tandis que Victor édite rapidement les images sur son iPad Pro. Il se couche. Sale nuit. Il cogite pas mal, appréhendant la réaction du groupe.

Je peux vraiment montrer cette série ?

© Victor d’Allant – Pauline (et Antoine d’Agata)

Le lendemain matin, Victor n’a pas le choix, il n’a que ça à montrer.

Tout le monde détourne le regard – oula, qu’est-ce qu’il lui a pris !?

Crime de lèse-majesté !

Rideau.

Fin du workshop

Le workshop se termine. Les participants se retrouvent dans un bar de la ville pour décompresser autour d’un verre.

Et ça fait pas mal de personnes puisqu’en même temps se déroulait un autre workshop, avec Matt Stuart, spécialiste de street photography.

Victor et Matt sympathisent. Ce dernier lui tire même le portrait en lui empruntant son appareil. Oh, bien crevé, Victor !

© Victor d’Allant – Victor d’Allant par Matt Stuart

Quelques minutes plus tard, Matt découvre les photos de Pauline (et d’Antoine d’Agata). Victor a juste le temps de capturer sa réaction au moment où il comprend ce que c’est.

© Victor d’Allant – Matt Stuart par Victor d’Allant

La soirée aurait pu continuer comme ça.

Mais boire de la bière avec une vingtaine de photographes, ce n’est pas trop le truc de Victor. Surtout qu’il ne boit pas d’alcool.

Il y a sans doute autre chose à faire à Bangkok avant de reprendre l’avion.

Victor s’éclipse discrètement et se rend dans un des quartiers les plus sordides de la ville, sans savoir ce qu’il cherche.

Et là, à un coin de rue, il la voit.

Une prostituée au visage étonnant.

© Victor d’Allant – Swyprac

Il l’aborde. On dirait qu’elle ne peut pas parler à cause de sa mâchoire brisée. Elle a dû subir un terrible accident.

Les deux se débrouillent et communiquent par gestes.

Elle semble vouloir qu’il la suive.

Victor remarque le V sur son sac à main. V pour Victor, évidemment. C’est un signe. Il la suit. Mais où ?

© Victor d’Allant – Swyprac

Il se retrouve dans un bordel de Bangkok.

© Victor d’Allant – Bordel à Bangkok

Il fait plusieurs portraits.

© Victor d’Allant – Swyprac

Alors qu’elle se déshabille, Victor lui fait comprendre que ce n’est pas nécessaire. Il s’aperçoit que c’est un mec. Bangkok, forcément !

© Victor d’Allant – Swyprac

À la fin, elle fait un selfie avec Victor, tellement elle est fière.

© Victor d’Allant – Swyprac

Elle lui donne son numéro de téléphone. Son nom est Swyprac.

Quelques heures plus tard, Victor est dans l’avion pour Hong Kong, puis dans celui pour la Californie. J’aurais fait mes meilleures photos une fois le workshop terminé, se dit-il.

Il restera en contact avec Swyprac pendant plusieurs mois. Puis un jour, elle ne répondra plus…

Merci de m’avoir lu jusqu’au bout. J’ai inauguré un nouveau format avec cette interview. Du coup, je suis très intéressé par votre avis ! Et si vous avez une question pour Victor, n’hésitez pas à la poser en commentaire. Il se fera un plaisir d’y répondre.

Vous souhaitez découvrir le livre de Victor d’Allant, Tulsa, OK ? Vous pouvez vous le procurer en cliquant ici.

Retrouvez la suite des aventures de Victor dans le deuxième article : Victor d’Allant revisite Tulsa, 50 ans après Larry Clark.

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45 réponses sur « Victor d’Allant : Workshop avec Antoine d’Agata (1/3) »

Bravo et merci pour cet article brillant. Le ton, la forme, la construction…

Il aborde cet idée de la souffrance et de la douleur dans le processus de création. Je ne ferais pas l’affront de parler d’accouchement, mais il y a cette idée. Physique ou intellectuelle. Être transpercé, étrillé.

Avec en prime une fascination malsaine pour Antoine d’Agata, qui repousse toujours les limites de la photographie. Morale, technique … celle que j’éprouve tout au moins et que je perçois.

Merci Victor d’Allant pour votre témoignage.

C’est ce que j’ai saisi de mes échanges avec Victor. Je suis content d’avoir réussi à le retranscrire dans l’article.

Merci Julien !

On peut effectivement parler d’accouchement pour une œuvre d’art, même si cette comparaison n’est pas toujours la bienvenue. Car beaucoup d’auteur.e.s passent par une phase de doute intense, sinon même de dépression, au moment de la publication de leur œuvre. Les symptômes du post-partum sont très comparables.

Je ne regrette pas d’avoir accepté ton invitation. Quel style ! Vivant, percutant…

Victor d’Allant, Antoine d’Agata… des photographies d’une telle intensité, émotions garanties. Merci Antoine.

La photographie que j’aime combinée à un récit d’une telle sincérité… C’est un sacré beau travail.

Sachant que vous avez mis « Happiness is a warm gun » en première page d’un de vos livres, j’imagine que la suite vous plaira… En effet, comme je l’explique au début de « TULSA, OK », ma fixeuse aimait bien chanter à tue-tête pendant nos virées nocturnes dans l’Oklahoma une chanson de Bishop Briggs:
« How do you fall in love?
Harder than a bullet could hit ya.
How do you fall apart?
Faster than a hand to the trigger. »

Ah, oui ! La suite me plaît et résonne doublement.

J’ai vécu deux ans à enseigner le français à New Orleans, en 1979-80, autant dire dans une autre vie, et la mémoire, ce muscle cérébral, me renvoie sur les interstates à bord d’une vieille Dodge 68, à chanter à tue-tête :

« A while ago somewhere I don’t know when
I was watching a movie with a friend.
I fell in love with the actress.
She was playing a part that I could understand.
»

(Neil Young)

Autant dire que je viens de tomber amoureux de votre fixeuse… Sourire.

Merci.

J’adore ! Moi qui n’aime pas vraiment la lecture autre que celle des images, je suis resté scotché jusqu’au bout!

Juste un grand merci pour cet article.

D’ailleurs, je trouve que la place du workshop et d’Antoine d’Agata restent à leur juste place dans l’article, dont ils ne sont pas l’objet.

Bravo !

Dans le deuxième épisode, nous passons des nuits tropicales de Bangkok aux nuits torrides de l’Oklahoma en été, aux sons d’Eric Clapton et son « Tulsa Time » et de Bishop Briggs qui hurlait dans ma voiture de location ”Welcome to my dark side! It’s gonna be a long night! »

Comme d’habitude, j’adore ton article. Tu as l’art de pénétrer l’âme des gens et des lieux. Dans un style cette fois plus…haletant !

Une petite frustration quand même : j’aurais bien voulu connaître la réaction personnelle d’Antoine d’Agata en visionnant les photos que Victor a prises de Pauline avec la photo du « maître ».

J’aime beaucoup les images de Victor, sans fard, droit au but, un peu comme tes articles. Celles de l’hôpital psychiatrique sont terribles et très fortes. Paris, USA aussi. Bref…je vais le suivre!

PS : les gifs, j’aime moins. Ça ne rajoute pas grand chose. Ça dérange un peu le propos, même. À mon humble avis 😉

Si Victor le souhaite, je le laisse raconter comment Antoine d’Agata a réagi !

Peut-être que les gifs n’apportent pas grand chose au final. J’en prends note.

Et ravi que l’article et le travail de Victor t’aient plu !

Merci Francine.

J’ai adoré la façon dont tu racontes ta rencontre avec Victor, surtout quand tu nous présentes le milieu dans lequel il évolue.

L’article est très cool et très intéressant, continue c’est du bon boulot.

Merci pour cet article passionnant qui se lit d’une traite !

C’est toujours très intéressant de découvrir le processus créatif d’un artiste surtout quand il se livre avec tant de simplicité et de sincérité.

C’est gentil d’avoir remarqué que je me suis livré avec tant de sincérité. Ce n’est pas facile pour un photographe de montrer ses mauvaises photos. Comme la plupart des artistes, on préfère laisser croire que tout est le résultat d’une forme de génie inné, alors que ce n’est vraiment que du travail, beaucoup de travail…

Encore merci à Victor d’avoir partagé autant de choses.

Merci Françoise !

Très bon article ! Bravo.

Il montre bien qu’il faut apprendre à s’émanciper de ses maîtres pour trouver sa propre signature.

Très bel article, toujours aussi bien rédigé et documenté. Tu es fait pour ça. Félicitations Antoine !

Superbe article encore une fois !

Merci pour cette plongée dans le parcours de ce photographe.

Hâte de lire la suite.

Bonjour,

Merci pour vos articles intéressants ! (petit plus pour la façon d’écrire)

Pour celui-ci : Victor d’Allant en workshop finit par faire du d’Agata. Cela pourrait être un hommage, mais pour moi, c’est trop similaire. La nuit, même lieu, même contexte, mêmes personnages… Si ça lui permet de retrouver sa passion de « la photographie » et donc de mieux vivre, c’est parfait.

Touché!

En anglais, il n’y a que quelques lettres de différence entre workshop et worship.

D’ailleurs mon iPhone fait souvent de l’auto-correct entre les deux mots. Peut-être essaie-t-il de me rappeler qu’il ne faut pas tomber dans le culte de la personnalité lorsqu’on fait un atelier ?

🙂

Photos superbes, surtout les dernières avec Swyprac et son incroyable visage.

J’aime beaucoup le ton de l’article à la fois léger et sérieux, bien écrit pour tout dire.

Merci

C’est un bon moment passé à te lire.

Bravo pour ton sens du récit dans cet univers qui me passionne beaucoup.

Une bonne histoire devrait rassembler un lieu, un homme et un évènement, tu tiens les trois.

Dans ses prochains épisodes, le photographe minimaliste va raconter ce que j’ai vu à Tulsa, dans l’Oklahoma, et comment je l’ai traduit visuellement grâce à ma Dream Team (a fixer, a designer, a printer, …).

Accrochez-vous, car ça risque d’être renversant – tout comme la voiture sur la home page de votre site !

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